Les 4 défis de l’Occident -Capitalisme – Islamisme – Ecologie – Chine

Après la chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989, nous avons été nombreux à croire que la fin de l’Histoire était en marche. Après la chute du communisme, qui s’est effondré sur lui-même, plus rien ne semblait pouvoir arrêter le déploiement mondial de la Démocratie. Une fenêtre inédite s’ouvrait pour une nouvelle paix mondiale.

De fait, de nombreux pays de l’Est, Russie y compris, même si ce fut bref, ont basculé dans de nouveaux régimes politiques, plus ou moins démocratiques. L’Europe s’est élargie à l’Est. La mondialisation économique, dont l’une des principales racines est le tournant chinois, lancé par Deng Xiaoping dès 1979, était le nouvel idéal. Signe de cet optimisme mondial, un japonais, Francis Fukuyama publie en 1992 La fin de l’histoire.

Que ce rêve paraît loin, aujourd’hui, en 2020! Dès 1996, Samuel Huntington, professeur à Havard nous prévient. L’histoire n’est pas terminée. Au début simple article, sa thèse connaît un tel succès qu’elle devient un livre: The clash of Civilizations. Inde, Chine, Islam, Occident…Non la lutte n’est pas terminée! Nous ne le voyons que trop aujourd’hui. L’Occident, qui reste, n’en déplaise à tous ces contempteurs, le seul phare de la liberté et de la démocratie, est confrontée à un quadruple défi:

Le défi du capitalisme – défi économique

Ce n’est pas parce que le communisme a échoué que la question du capitalisme est réglée. Bien au contraire. Depuis la chute du mur, nous avons assisté à un retour de la concentration du capital et des fortune digne du XIXème siècle, comme le dénonce – et il est tout de même très seul à le faire – Thomas Piketty.

Un graphique de long terme qui montre le rebond de la concentration du capital – Piketty, de gauche, axe ses analyses sur la rentabilité capital vs travail, ce qui est pour nous une erreur conceptuelle masquant la question de la répartition du capital.

Rien n’a changé concernant le droit de propriété, qui conserve en droit français, les prérogatives qui sont les siennes depuis les réformes juridiques napoléoniennes. En clair, la propriété reste un à côté de la démocratie et de la liberté, de sorte que nous vivons de fait dans un double système démocratico-capitaliste, et non dans une démocratie réelle dont l’organisation de la propriété reste à imaginer. Rien n’a changé non plus concernant l’incroyable concentration des pouvoirs dans les mains du chef d’entreprise, dont les pouvoirs du chef d’entreprise dans la SA est le meilleur exemple. Le salariat, enfin, reste exactement ce qu’il était défini par Marx: la forme moderne de l’esclavage, le salarié n’ayant aucun droit face au patron. Quel archaïsme!

La solution, ce n’est pas du tout le syndicalisme, qui, à l’image de la CGT, préfère démolir les entreprises que de négocier avec les patrons. La solution, c’est le partage raisonné du capital au sein même de l’entreprise, en commençant par intégrer le management, avec une participation significative à l’actionnariat, en terme de montant et de %. Le saupoudrage de l’actionnariat salarié est sympathique, mais largement insuffisant.

La réalité actuelle est celle d’un mouvement que rien ne semble pouvoir arrêter. Toutes les dernières crises, des subprimes et du Coronavirus, rendent les riches encore plus riches, et détruisent la classe moyenne. De même, la financiarisation de l’économie, le développement exponentiel des fonds d’investissement, la concentration de l’accès à la dette bancaire (même pendant le PGE, le prêt garanti par l’Etat mis en place pour lutter contre les effets du Coronavirus, les banques ont essentiellement prêté aux riches !), tout va vers un appauvrissement massif de la classe moyenne. Tout ceci est accompagné d’un discours délétère anti-management qui ne s’attaque pas aux patrons, mais crée une guerre entre cadre et non cadre qui sape la productivité des entreprises.

Notons que ce changement de paradigme sur le partage du capital est la seule manière de reconstruire une classe moyenne puissante, capable de rivaliser contre le professions réglementées et l’Etat qui font le siège de l’entreprise: impôt, avocat, mandataire, expert comptable et commissaire au comptes, syndicats, etc…

La question principale est de savoir comment se fera cette modification. Selon nous, l’injustice économique dans laquelle nous sommes en train de nous enfoncer pourrait très bien être le déclencheur d’une nouvelle Révolution, portant cette fois directement sur l’économie.

https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/12/14/les-inegalites-dans-le-monde-en-hausse-depuis-quarante-ans_5229478_4355770.html#:~:text=Selon%20un%20rapport%2C%20les%201,revenus%20ont%20stagn%C3%A9%20ou%20baiss%C3%A9.

Pour en savoir plus: https://foodforthoughts.blog/2019/06/04/lerreur-de-marx-quel-avenir-pour-le-capitalisme/

Le défi islamique – le combat ETERNEL contre les idéologies religieuses

L’homme qui a vaincu la Russie en Afghanisant – scénario du maître Aaron Sorkin

Disons le clairement: le combat de la démocratie laïque et pluriculturelle contre les religions et les extrêmes ne cessera absolument jamais. Il faut être aveugle pour ne pas voir, depuis la défaite de l’URSS en Afghanistan le 15 février 1989, la montée en puissance de l’Islam. La guerre mondiale contre l’Islamisme a commencé exactement en même temps que la chute de l’URSS. L’histoire est parfois d’une incroyable cohérence. Charles Wilson, député américain à la Chambre des représentants, qui a organisé le soulèvent des musulmans, les moudjahidins, contre l’URSS, s’est vu refuser le moindre dollar pour la reconstruction de l’Afghanistan, livrant le pays à l’islamisme. De même, la chute du Shah d’Iran a fait surgir une véritable Théocratie islamique en Iran, dès 1975. Il faut tout de même être particulièrement nul en histoire pour ne pas savoir que les ennemis de l’Occident, depuis la Grèce antique, sont toujours venu de cette zone, située entre le Tigre et l’Euphrate.

Ce défi religieux est – du point de vue du temps long – celui de l’accomplissement de l’idée de la liberté concrètement dans l’Histoire, chère à Hegel – est tout à fait normal, prévisible, inscrite dans la dialectique au moteur de l’histoire. L’Islam à ce titre, ne peut pas gagner. Comme le judaïsme, qui est une théocratie, comme le christianisme, qui a connu son apogée dans la monarchie de droit divin, l’Islam devra faire son autocritique et se réformer. Tel est le chemin de la liberté contre une superstition mortifère. Peut-être faudra-t-il passer par une troisième guerre mondiale pour y arriver. Tous les germes d’un conflit opposant l’Occident, et principalement l’Europe, au Moyen-Orient, sont réunis. La Chine est en guerre, contestable, contre ses Ouighours. La Russie a été en guerre contre la Tchétchénie. La Turquie est en guerre avec presque tous ses voisins. L’Iran ne sait pas faire grand chose d’autre, finançant des milices en Irak, en Palestine, au Liban, qu’elle a détruit, en Syrie. Daech a transformé les espoirs nés du printemps arabe en un vieux rêve.

Hegel, le père de l’idée de la fin de l’histoire, qui s’inscrit dans une tradition philosophique allant de Platon (La République) à Kant (La paix perpétuelle)

Le défi écologique

Il est sur toutes les lèvres, dans tous les journaux, de toutes les interventions. Notre rapport à la nature doit – et est en train – de changer. Les ressources vitales de la planète, au premier rang desquelles l’air et l’eau, sont menacées par la pollution. Le constat de l’immobilisme politique est acide. Qu’avons-nous fait pendant 30 ans? Quasiment rien. Et maintenant que nous commençons à nous y mettre, nous sommes prêts à faire n’importe quoi pour faire la une des journaux: la lutte contre le nucléaire, a mis l’Allemagne à la merci de la Russie avec les pipelines du projet Nordstream…, tout en détruisant la filière nucléaire européenne. Quelle erreur! Aujourd’hui à Paris, la maire Hidalgo veut supprimer la voiture – ce qui est une atteinte à la liberté de déplacement – et en oublie que l’industrie automobile a enfin – et il a fallu le scandale du dieselgate et les condamnations juridiques pour y arriver – pris le virage du véhicule électrique.

Le principal danger de l’écologie actuelle est l’écologie punitive, l’écologie pastèque, verte à l’extérieure, rouge / communiste à l’intérieur, dont le seul vrai programme est l’appauvrissement de tous au nom de l’idéologie, et la tendance tyrannique consistant à mettre l’homme au dessus de la nature – et donc à se donner le droit de maltraiter l’homme au nom de la nature. A ce titre, la place donnée à Greta est juste hallucinante. L’écologie doit devenir ce qu’elle est, une nouvelle forme de l’humanisme, c’est-à-dire tout simplement un défi pour l’homme, qui domine maintenant intégralement la nature.

Exemple d’écologie non punitive

De toute manière, quelques que soient les progrès de l’Occident, cette bataille doit surtout avoir lieu en Chine et en Inde. La France n’y pèse rien et est l’un des excellent élèves mondiaux, notamment grâce au nucléaire. La Chine a désormais une véritable politique volontariste, après des années de désastre massif (dont les cancers dû au Cadmium utilisé dans les panneaux solaires, ou le scandale planétaire – faut-il le souligner – du Coronavirus). Nous devrions imposer des normes écologiques – et sociales – aux produits entrant dans notre espace commercial. Evidemment, tous les marchands qui ont construit leur fortune sur les empires de la distribution ne le souhaitent pas…

Le défi chinois – la guerre froide du XXIème siècle

La Chine a déjà retrouvé un niveau économique d’avant Coronavirus, alors que l’Occident se demande toujours comment lutter contre la pandémie. La Chine n’est plus seulement l’atelier du monde. Elle innove. Tencent, Alibaba, Tik Tok… le leadership de l’innovation, apanage de la démocratie, semble avoir basculé. Hong Kong a dépassé Wall Street. Est-ce définit? La démographie a repris le chemin de la hausse. Avec plus d’un milliard et demi d’habitants, seul Etat mondial avec l’Inde, la Chine n’a-t-elle pas déjà gagné?

Quand les intellectuels français réfléchissaient encore au Petit livre rouge – Deng Xiaoping – ici avec Carter – construisait déjà la Chine hyperpuissance économique du XXIème siècle

La thèse du « doux commerce », selon laquelle le développement des échanges, en enrichissant les chinois, les ferait basculer dans la démocratie, est un échec total. Mise en oeuvre par Bill Clinton, elle nous a conduit dans le mur. La France, tout particulièrement, a souffert d’une désindustrialisation massive. Trump, malgré toutes les critiques qu’on peut et que l’on doit lui adresser, a enfin mis les pieds dans le plat et déclenché une première riposte.

Il n’y a pas de recette miracle. Le mouvement doit être double: la montée des classes moyennes en Chine, le raidissement actuel du régime, qui redevient totalitaire, concentrant un maximum de pouvoir entre les mains de Xi Jinping, donnera lui à un basculement dans l’autre sens. La solution en Chine viendra sans doute plus de la Chine elle-même que du reste du monde. A l’extérieur, le Tibet a été écrasé. La frontière himalayenne est attaquée. Combien de temps Taïwan pourra-t-elle resister? Le containment, la fermeture des marchés, l’exigence de contrepartie, l’armement de toutes les frontières autour de la Chine, voilà nos armes.

Pour en savoir plus sur l’échec de l’ouverture à la Chine et de la thèse du « doux commerce »: https://foodforthoughts.blog/2020/06/27/michael-porter-et-linternationalisation-de-la-chaine-des-valeurs/

Enfin une petite comparaison pour tous ceux qui croient encore que l’Etat français n’en fait pas assez. La part de l’Etat dans le PIB chinois est 34% (https://fr.statista.com/statistiques/724406/depenses-publiques-en-part-de-pib-chine/). en 2018, contre 54,4% en France https://fr.statista.com/statistiques/478464/taux-depenses-publiques-france/#:~:text=Cette%20statistique%20repr%C3%A9sente%20les%20pr%C3%A9visions,4%20%25%20du%20PIB%20en%202020. Le poids de l’Etat est tel en France que tout le pays est déséquilibré, y compris dans ses fondements démocratiques.

Une lueur d’espoir?

Il n’est pas simple de rester optimiste quand on voit l’état de nos démocraties, si faibles, si complaisantes face à tous leurs ennemis internes, poids des extrêmes, entrismes des communautés, poids des clientélismes, outrance d’un débat social profondément modifié par les réseaux sociaux et en proie à une faillite morale rampante; et externes, Russie, Turquie, Chine, Iran… nous sommes assiégés par les barbares.

Il faut vraiment avoir confiance dans le temps long, dans la réalité historique du déploiement constant de la démocratie pour garder foi dans l’idée de la liberté. Sur le temps long en effet, la démocratie est le régime qui connaît le plus fort développement, depuis sa naissance en Grèce antique. Si la sortie de l’Angleterre de l’UE ( une erreur magistrale qui risque de déclencher la fin du Royaume Uni ou la reprise du conflit irlandais), est un désastre, de l’autre côté, à l’Est, nous voyons l’Ukraine qui est sur le chemin pour rejoindre l’Europe, et le Biélorussie, qui tangue sérieusement.

Le discours de la liberté, le régime démocratique, a toujours été minoritaire fragile, assiégé. La défense de la liberté est une lutte de tous les instants. Il est illusoire de croire que la paix puisse se faire au prix des compromis. Il faut en refaire un idéal, car c’est la seule manière de lutter contre les dérives totalitaires en tout genre. Contrairement à l’affirmation de Hegel, les hommes savent désormais parfaitement l’histoire qu’ils font.

Lady liberty

Annexe

Deux ans après la rédaction de cet article, c’est finalement de la Russie qu’est venu le grand moment historique de ce début de siècle. Quelles conclusions en tirer? D’abord que le principal ennemi politique reste le nationalisme anti-démocratique. Ensuite que les démocraties sont toujours le régime le plus fort militairement, car ces hommes sont beaucoup plus déterminés à sauver leur liberté. Enfin que la coalition des démocraties, toujours sous le commandement américain, fonctionne parfaitement – même si l’on ne peut que regretter le comportement de l’Allemagne. Allons plus loin. Les conséquences en Europe vont être une consolidation de l’OTAN, avec l’entrée de la Finlande et de la Suède, et de l’Union Européenne, avec l’entrée à terme, de l’Ukraine. Si l’on va encore plus loin, il faut espérer pour la Russie qu’elle accepte enfin la fin de son modèle et se tourne vers un régime beaucoup plus démocratique. Tout l’hémisphère Nord pourrait ainsi devenir un bloc homogène. On peut toujours rêver.

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