LLCA – L’oralité et le choc d’être né (3/4)

Une touche de physiologie – l’oralité

La plupart des troubles du comportement ont un rapport avec la bouche. Que ce soit la nourriture, la cigarette, le pouce, le ongles, le cannabis, ou encore l’alcool, il s’agit dans tout les cas de comportement mettant en jeu la bouche. Cet organe est à peu près unique. Il nous sert pour nous nourrir, nous hydrater, mais aussi pour parler et, last but not least, pour nous embrasser.

A cette mise en jeu, l’on peut ajouter ce qui ressemble a un trouble de la respiration, plus ou moins directement lié au trouble alimentaire. Les fumeurs se « nourrissent » de fumée. Les boulimiques s’étouffent presque en mangeant, comme s’il remplaçait l’air par la nourriture. Les anorexiques ressentent fréquemment une tension et une fermeture au niveau de la gorge. Ils ne peuvent plus avaler. A travers tous ces exemples, nous voyons que les fonctions alimentaires et respiratoires sont mystérieusement liées. Si l’on cherche une réponse générale, et non pas seulement contingente à l’une ou l’autre personne, il faut sans doute revenir à la naissance.

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La vie intra-utérine

Avant la naissance, le fœtus « respire » et se « nourrit » déjà. Mais ces fonctions sont très différemment organisées. Quand il est dans l’œuf, dans le placenta, toute la nourriture et tout l’oxygène dont le bébé a besoin provient de la mère. Il est littéralement détourné de la maman et passe dans le cordon ombilical. La nourriture, ou les nutriments, et l’oxygène, sont mélangés et arrivent ensemble. Par le cordon, les aliments et l’oxygène arrivent directement dans les organes du fœtus. Il ne respire pas, il ne mange pas et il ne digère pas. Les éventuels déchets sont renvoyés par le même chemin ombilical. Le fœtus est à bien des égard un « organe » qui se développe dans le corps de la mère, dont il dépend complètement.

Dans la vie intra-utérine, le fœtus est alimenté directement par le cordon ombilical. Jusqu’à un certain point, il est comme un organe du corps auquel il appartient. Il n’ingère pas et ne digère pas beaucoup. La bouche est collée au liquide amniotique. Il n’y a pas d’air. Et le fœtus « boit » ou est « traversé » par ce liquide. Il se nourrit un tout petit peu par ce biais. Mais surtout, les fonctions de la nutrition et de la respiration ne sont pas dissociées et ne fonctionnent littéralement pas.

La succion commence lors de la vie intra-utérine. Et pas n’importe comment! Il s’agit d’un processus qui pour un adulte a tout pour paraître étrange. Le bébé entouré par la poche placentaire, baigne dans le liquide amniotique. Il en a forcément dans la bouche, comme tout autour du corps. La première succion est cette de ce liquide, que le fœtus a sans doute beaucoup de difficulté à distinguer de son propre corps.

Vie intra utérine

Puis il comme il commence à bouger. Il peut mettre ses doigts à sa bouche. Il n’est pas rare, lors des examens de grossesse, de voir le futur bébé déjà en train de sucer son pouce. Cela donne une petite idée de la difficulté à arrêter ultérieurement une pratique commencée avant même la naissance. Non seulement l’enfant l’a fait dans les premiers instants de sa proto-vie, mais il a pu prendre cette habitude à un moment de calme et de tranquillité que nous pouvons tous avoir envie de retrouver une fois né. Le liquide amniotique couvre toute la bouche, le corps, l’intérieur du corps. La sortie à l’air libre que constitue la naissance remet tout cela en jeu. Les psychanalystes appellent « phase orale » tout ce qui se joue autour des plaisirs, besoins et souvenir de la bouche et des lèvres, puis du système digestif.

Le choc d’être né

Mais tout change lors de la naissance. D’un seul coup, les fonctions latentes se mettent en route. Les deux premières sont la respiration et la nutrition. Il s’agit du fameux premier cri, qui rassure tant les parents, du dépliement des poumons qui absorbent l’air pour la première fois. La respiration commence.

Juste après, généralement, le bébé cherche le sein de sa mère et sa première nourriture. Une fois les premières respirations faites, le nouveau né, placée par la sage femme sur le ventre de la mère, grimpe sur sa maman et cherche le sein dans un mouvement plus ou moins instinctif. La succion, la bouche, les lèvres se mettent en action. Le lait maternelle, ou le lait du biberon descendent pour la première fois dans la gorge et l’œsophage. Puis la première digestion commence. Avant les premiers selles réels, le bébé relâche le bien nommé « méconium », qui vient du grec signifiant suc de pavot, et qui correspond à une substance foncée, dense et brillante et molle. Ce n’est pas encore de la nourriture digérée, mais le reste du liquide amniotique avalé par l’enfant, ou peut-être faudrait-il dire qui a traversé le fœtus avant la naissance. Tout ce qui passait en commun par le cordon passe désormais, mais dissocié, par la bouche. Les trajets sont différents. L’air rejoint les poumons, la nourriture l’estomac.

La digestion et la maîtrise dans la gestion des besoins, par la bouche, le nez, l’estomac et jusqu’à l’anus, demande au petit d’homme un travail de plusieurs années. C’est, pour l’alimentation, le début d’un long apprentissage. Les biberons, puis la diversification alimentaire, puis la nourriture solide. Le nourrisson est généralement propre vers 36 mois, peu avant son entrée en maternelle, quand il a atteint un contrôle suffisant de ces muscles disposer en cercles, présents dans la plus part des conduits du système digestif, les fameux sphincters.

Et comme chez l’homme tout est psychique autant voir plus que mécanique, ou simplement biologique, il est très compréhensible qu’un grand nombre de troubles se retrouvent dans l’usage de la bouche. Tout ce travail de dissociation des fonctions corporelles s’accompagne d’une maturation psychique, qui lui correspond et lui répond, esprit et corps reliés. Les psychanalystes spécialisés dans l’enfance l’ont bien identifié, et divise en général se déploiement en phases: oral, anal, et autres. Nous proposons d’aller plus loin de faire correspondre chaque fonction à une phase: respiration, hydratation, nutrition, digestion, urines et selles. Il s’agit de coller au plus près du développement.

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Pour Dolto, « Même s’il n’a pas été programmé par ses géniteurs, tout être, du fait qu’il naît, c’est qu’il a désiré naître ». Cela signifie qu’il y a, en plus du désir des géniteurs, et même en l’absence ou l’incertitude de celui, un désir propre de l’enfant, une volonté le préparant à la vie.

L’eau et la nourriture

De la même manière qu’il faut distinguer l’air et l’alimentation, il faut distinguer l’eau et la nourriture. Très souvent nous confondons la faim et le soif, où l’un et l’autre ne sont pas bien spécifié. La encore, les premiers instants de la vie font toute la différence. La boisson et la nourriture nous sont donnés ensemble quand nous sommes petits, en prenant le biberon ou en tétant le sein. Bientôt, en plus du lait, on donne à l’enfant de l’eau, et il doit bien percevoir que l’eau n’est pas nourrissante comme le lait et rempli un besoin spécifique différent. Ce n’est que plus tard, bien plus tard, lors de ce que l’on appelle la diversification alimentaire, que viendra en partie la différence, avec l’introduction d’aliments de plus en plus durs. On commence traditionnellement pas des bouillis, puis par des morceaux de légumes, puis les dents apparaissent et il devient possible de mâcher…La différence entre la boisson et la nourriture peut rester flou très longtemps. Les arts de la table jouent largement de cet échange possible et de nombreux aliments continuent à être pris sous une forme liquide: vin, jus de fruits, café, laits de diverses sortes, milk shake, etc. On pourrait classer tous ces liquides du plus au moins dense. Le moins dense est l’eau pur, et le plus dense pourrait être les purées de l’enfance.Là encore, la séparation des fonctions, ou l’appréciation des différents types d’aliments, permet de mieux contrôler les besoins du corps.

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La naissance toujours continuée

Quels enseignements en tirer ? Un seul point essentiel et à la vérité, tout simple.

Nous devons continuer à apprendre à dissocier les différentes fonctions que nous avons identifiées.

Quand nous sommes stressés, tendus, que notre vie ne semble plus avoir de sens, c’est comme un réflexe pour de nombreux d’entre-nous. Nous recherchons les instants bénis et parfaits qui ont précédé notre naissance, ces temps immémoriaux où nous n’avions à nous soucier ni de notre propre nourriture, ni de notre digestion, ni même de notre respiration. Nous nous replions sur nous-mêmes et nous entravons ces développements, cette maturité en quoi consiste la vie. C’est pourquoi on peut souvent parler de régression au sujet des addictions, ou des comportements par lesquels, en apparence, nous nous faisons du mal à nous-mêmes. « En apparence », car ces comportements ont bien également leur utilité. En nous ramenant à notre naissance, ils nous permettent de nous re-narcissiser et nous invitent à nous reconstruire, et à renaître. Encore faut-il savoir en sortir! Tout se passe comme si cette naissance continuait à se faire tout au long de notre vie. Pour se libérer, il convient de se redonner des raisons de vivre, de retrouver l’amour de soi, et de la vie, mais également de rediscipliner ces fonctions vitales.

C’est très claire en ce qui concerne la respiration. Souvent nous mangeons, fumons, ou buvons, là où il faudrait simplement inspirer et expirer. De même très souvent nous pensons avoir faim alors que nous avons uniquement soif. Il est possible et très bénéfique, de continuer à dissocier cet apprentissage des fonctions de la respiration, la nutrition et l’hydratation.

Le yoga propose également certaines pistes. Le yogi Coudoux a inventé un asana qu’il appelle l’asana de la libération. Il suffit tout simplement d’inspirer fort en remplissant ses poumons, tout en ouvrant les bras de chaque côté. C’est comme refaire notre première inspiration. Voici le lien vers la vidéo montrant cet exercice

Certaines thérapies proposent de revivre l’instant de sa naissance, pour réaffirmer sa volonté de vivre, comme dans les thérapies « rebirth ».

https://fr.wikipedia.org/wiki/Rebirth

Bien-sûr, ce ne sont que des exemples. L’important est de trouver, à travers allers-retours, et détours, votre propre chemin.

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Annexes

Sur le régime cétogène

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