L’Union Européenne ne sera jamais crédible si elle ne développe pas sa propre armée. Il faut sortir de ce constat trop souvent partagé, « l’Europe est un géant économique et un nain politique ».
Le projet d’armée européenne est allé d’échecs en échecs, malgré la volonté des pères fondateurs qui voulaient intégrer l’industrie de l’énergie et de l’armement pour éviter toute guerre future en neutralisant à la source l’appareil industriel militaire. C’était la CECA, la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (Traité de Paris, 1951). Puis vint le temps de la CED, la Communauté Européenne de Défense, qui ne décolla jamais (rejet de la France le 30 août 1954). Pour tenter de contourner l’obstacle, l’Europe s’est dirigée vers la PESC, la Politique Etrangère de Sécurité Commune (1992, Maastricht). Mais là encore, cette volonté s’est enlisée dans les sables de la realpolitik.
Aujourd’hui, 43% des sondés européens sont pour une armée européenne, contre 28% en 2015. Ils sont 62% en France.
http://premium.lefigaro.fr/elections/europeennes/les-europeens-veulent-plus-d-integration-20190512
L’Europe est faible
Le résultat de tous ces beaux gâchis est l’absence d’autonomie militaire de l’Europe. Quel beau résultat que de dépendre encore et toujours des Etats-Unis pour organiser la défense de notre territoire! Le constat politique est tellement simple qu’il est difficile de ne pas être consterné: les Européens, incapables de se mettre d’accord entre-eux, par querelles d’ego, s’en remettent à un tiers extérieur pour garantir leur droit le plus sacré.
De plus, aujourd’hui, ce parapluie américain, conçue pendant la guerre froide pour contrer une guerre nucléaire, pas pour garantir la sécurité au quotidien ou face à des menaces autre que celle de la troisième guerre mondiale.
L’Europe est ridicule
Le résultat est un immense gâchis. Guerre du Kosovo? Il faut faire appel aux américains. Guerre d’Ukraine? On ne fait rien, ou presque. Guerre d’Irak? L’Europe n’a pas son mot à dire. Guerre froide avec l’Iran? Le président américain Trump déchire l’accord signé par l’Europe, et l’Europe… ne fait rien, ruinant ainsi sa signature.
Guerre en Syrie? Comble du comble de l’impuissance, l’Allemagne paie la Turquie, qui lui fait un ignoble chantage, pour fermer sa frontière aux réfugiés.
Une stratégie commune: la sécurisation des frontières de l’Union
Les solutions sont parfaitement claires. Il suffit de donner à l’armée européenne une mission strictement limitée: la défense des intérêts géo-stratégiques de l’Union. Cela inclut:
-Une doctrine militaire défensive. L’intervention n’est possible que si l’Union est agressée de l’extérieure (évidemment toute opération interne est interdite).
-Une frontière clairement définie.
-Un champ d’action au delà de la frontière, avec notamment la surveillance de la prolifération des armements, le contrôle et l’interdiction du commerce des technologie les plus dangereuses pour la sécurité européenne.
-La mise en place d’un certain nombre de corps transnationaux (qui existent déjà) et de leur coordination: corps d’armée (air, terre, mer, cyber armée, renseignement).
2015, année principale de l'exode du peuple syrien suite à la guerre civile
L’immigration illégale a été diminuée de 60% entre 2016 et 2017.
http://www.aedh.eu/tag/frontex/
Un commandement commun pour les opérations courantes
Ainsi clairement définies et limitées, le commandement de l’armée européenne ne devrait même pas pouvoir faire débat. Le problème principal du commandement est le suivant: une armée suppose un commandement centralisé, capable de se décider rapidement. Or il n’y a pas d’exécutif réel en Europe, et donner ainsi le commandement à une armée ferait courir un risque de prise de pouvoir par l’armée à toute l’Europe. On imagine facilement qu’un Etat-major européen, fatigué de l’immobilisme des institutions, finisse tout simplement par prendre le pouvoir par les armes. C’est ainsi que la question d’une armée européenne met l’Europe face à ses contradictions.
La réponse pour éviter d’en arriver là est de scinder les armées en nationales et européennes. Seul le pouvoir arrête le pouvoir. Le corps européen, dédié aux missions présentées ci-dessus (et complétées par celles, optionnelles qui vont suivre), serait équilibré par la persistance des corps nationaux, français et anglais, allemand. Il devrait suffire d’avoir des corps militaires dans les principaux pays, pas forcément dans tous les pays.
Un budget commun
L’argent, bien nommé « nerf de la guerre » devra être organisé par le biais d’un budget spécifique (ou un poste spécifique du budget). Une péréquation entre les pays doit être mise en place pour éviter les abus actuels: seul l’Angleterre et la France contribuent réellement.
Aujourd’hui, le budget proprement européen est de 20mds, dont 13 pour le seul système de positionnement par satellite Galileo.
Une industrie commune
Second nerf de la guerre, il faut une industrie commune, qui va passer par ces programmes de défense commun, qui vont passer des commandes, ou lancer des programmes européens. Ras-le bol de la querelle stérile Eurofighter vs Rafale, le tout pour finir par acheter des F16 ou F18 américains!
La France, l’Allemagne et l’Angleterre ont toutes les connaissances nécessaires pour bâtir une défense commune. Le mécano est déjà en place, avec le rapprochement des chars français de Nexter et des chars allemands, la difficile négociation avec l’Italie sur les bâtiments de l’armée de mer, et le rapprochement des programmes d’aviation.
Quelques exemples de coopération industrielle
Sur les chars, entre France et Allemagne
Sur les avions de combat, entre France et Allemagne (on essaiera d’oublie le fiasco financier de l’A400M – l’avion de transport européen d’Airbus).
Sur la marine, entre France et Italie
Sur les missiles, entre France et Angleterre
https://www.la-croix.com/Monde/Europe/cooperation-missiles-lepreuve-Brexit-2017-09-20-1200878294
Quand la Belgique et la Pologne achète des armes aux Etats-Unis:
https://www.24heures.ch/monde/pologne-achete-lancesroquettes-usa/story/19741335
La définition des opérations exceptionnelles
Nous voyons tous les jours que la seule défense des frontières ne peut être suffisante pour arrêter toutes les menaces. S’il y a bien une chose qu’enseigne l’histoire de l’humanité, c’est la permanence des guerres autour du bassin méditerranéen. Guerres Médiques, guerres du Péloponnèse, conquête d’Alexandre, guerre puniques (contre Carthage), invasion barbares, guerres de conquête et guerres civiles en tout genre, jusqu’au déclenchement des deux guerres mondiales, notre continent est incontestablement le point chaud de la planète.
Il est impensable, voire irresponsable, de ne pas se préparer à ces menaces. Depuis les années 90 se sont succédé: les deux guerres du Golf, la guerre en Syrie, l’Etat Islamique, mais aussi le printemps arabe. Si l’on ajoute les guerres israéliennes, le conflit Israélo-palestinien, les manœuvres de l’Iran au Liban et dans les territoires palestiniens, la guerre entre l’Arabie Saoudite et le Yémen, on voit clairement que les conflits ne s’arrêtent quasiment jamais au Moyen-Orient.
La stabilité du bassin méditerranéen
Il faut donc une doctrine particulière pour cette région du monde. La doctrine évidente, simple, est plus ou moins celle lancée par le Président Sarkozy, l’Union pour la Méditerranée. https://fr.wikipedia.org/wiki/Union_pour_la_M%C3%A9diterran%C3%A9e), pour renouveler et renforcer nos alliances et notre capacité à contrôler nos voisins du sud de l’Europe. L’armée européenne peut se donne une mission de maintient de la pays et de la stabilité. L’exemple type est celui de la Libye, aujourd’hui en plein chaos, sans que l’Europe ne fasse rien. Incompréhensible, puisque les migrants, les mafias, les armes, et tout les trafics illicites peuvent passer librement par la Libye avant d’entrer en Europe. Dans le même genre d’idée, le manque de soutien donné par l’Union à la Tunisie, est lamentable.
La stabilité des pays de l’Est
La question de la défense des pays de l’Est est d’autant plus complexe que le voisinage ou la menace Russe est bien plus importante que les questions posées par le bassin méditerranéen. Ici, l’alliance avec les Etats-Unis continue à avoir tout son sens.
Là encore, il faut être aveugle pour ne pas voir le travail de sape constant réalisé par la Russe pour déstabiliser l’Union. Partout la Russe, s’appuyant sur les anciens réseaux ou les anciennes méthodes communistes, défend et soutien les parties nationalistes qui prônent la fin de l’Europe.
Les buts de la guerre: la reconstruction d’un pouvoir local stable
Ce que nous voyons le plus souvent, ce sont des armées qui gagnent les guerres, comment en Irak, ou face à l’Etat Islamique, mais qui sont incapables de gagner la paix. Pourquoi? Peut-être n’y a-t-il pas de véritable volonté de reconstruire les pays. Ou peut-être y-a-t-il une naïveté à croire que l’on peut imposer n’importe quel type de régime à n’importe quel type de pays et que la guerre est un moyen d’exporter la démocratie.
Pourtant, là encore, l’histoire nous donne quelques pistes:
-Ne pas changer la forme du régime politique. Ou simplement la faire évoluer.
-Commencer par confier le pouvoir à l’élite militaire, quand bien même elle aurait perdu la guerre, car elle seule saura tenir le pays en attendant une plus ample reconstruction.
-La reconstruction du pouvoir doit, comme l’a fait le général de Gaulle, passer par une réconciliation et une représentation des toutes les forces en présence.
-Le contrôle ou l’interdiction des opérations militaires extérieures
-La reconstruction par étape: l’Allemagne, la France de la Seconde Guerre, La Corée, ont été coupé en deux parties dont l’une est privilégiée
-Un programme de développement économique tourné vers les infrastructures et porté par des prêts internationaux – sans ouverture délirante et contre-productive à la concurrence mondiale.
La prise de décision
Les conflits ad hoc devront faire l’objet d’une décision ad hoc également, par un Conseil de sécurité européen. Comme partout en Europe, l’unanimité des pays ne pourra pas être de mise. Il faudra des majorités qualifiées, reflétant la puissance et la population des Etats. Ce Conseil déclenchera, conduira et terminera les guerres. L’accord des principales puissances militaires sera nécessaires, puisque ce seront elles qui mettront la plus grande partie des troupes à disposition.
La place spéciale de l’Angleterre
L’Angleterre est avec la France, la plus grande puissance militaire européenne. La France et l’Angleterre sont engagées dans une coopération militaire fructueuse depuis des années. Si la sortie de l’Angleterre, qui a refusé toutes les dernières avancées sur un budget de la défense, est plutôt saluée comme une opportunité pour avancer vers une meilleure intégration. Il serait totalement contre-productif de ne pas inclure l’Angleterre dans les deux dispositifs: sécurité des frontières de l’Europe et missions de stabilisation. L’Angleterre a tout a y gagné.
Le rôle de l’OTAN
L’OTAN ne disparaîtra pas. L’alliance avec les Etats-Unis doit rester le premier pilier de la sécurité mondiale. Cependant, ses missions devront être revus et un commandement européen autonome crée pour les missions précédemment définies. L’OTAN doit devenir à terme une alliance entre égaux, et non plus un parapluie américain.
L’Ukraine est candidate à l’entrée dans l’OTAN depuis 2018
https://reseauinternational.net/lotan-ouvre-ses-portes-a-lukraine/
Le maintient des opérations nationales
Les armées nationales pourront garder leurs missions particulières. On pense notamment aux opérations françaises en Afrique et à la participation de la France aux armées mondiales. Cet élément pourrait même essentiel pour maintenir l’équilibre entre l’armée européenne, et les armées nationales. Cet équilibre existe déjà avec l’OTAN. Il n’y a donc aucune raison de ne pas réussir avec une armée européenne.
La construction d’une Europe transnationale
La mise en place de telles missions et d’une armée authentiquement européenne donneront à la construction européenne la charpente, la force, dont elle a besoin pour enfin trouver sa véritable place dans le cœur de chaque européen. Elle rejoint l’ADN de l’Union, qui est de garantir la paix et la sécurité de ses membres La construction monétaire seule, avec un Parlement ouvert uniquement sur l’international et le dumping économique – ou en tout cas, ressenti ainsi par les populations – ne peut plus suffire à justifier l’Europe. La construction de la paix, premier fruit de l’Union européenne, n’est plus perçu par les européens. La convergence économique a été arrêtée depuis longtemps. La création monétaire n’a pas tenue ses promesses sur ce sujet (elle ne le peut tout simplement pas compte tenu des différences structurelles entre les pays – qui sont maintenant bloqués par la BCE. Un seul exemple: la France et l’Italie auraient bien besoin d’une dévaluation, mais c’est impossible. Et comme il n’est pas possible de faire baisser les salaires en nominal… le travail soumis à la mondialisation -délocalisable ou automatisable – reste trop cher et le pays ne peut rien exporter. L’euro n’a rien apporté, si ce n’est la possibilité d’un endettement supérieur à nos possibilités, mais garanti par les bonnes performances de l’Allemagne. Les seules solution pour la France: innovation et productivité).