L’amour de Jésus Christ et l’amour intellectuel de dieu

L’amour, nous l’avons exprimé à différentes reprise, est l’émotion qui relie les hommes et les choses. La haine à l’inverse est le sentiment né de la séparation, de l’antagonisme, de l’éloignement. Cette vérité, aussi simple et profonde que l’univers, a d’abord été énoncée par Empédocle. Le Sage grec en faisait même un principe physique, reliant par là l’étude de la nature et celle de l’homme. Les planètes sont maintenus dans leur rapport par la force de l’amour, comme les hommes et les femmes perpétuent la vie par l’amour qui les rapproche et les unis.

Tantôt l’amour réunit tout en un ; et tantôt la haine divise tout en deux.
Empédocle

De tous les sentiments, l’amour est le plus doux, le plus nécessaire, si bien qu’il a définitivement un statut à par dans la pensée humaine. C’est une émotion qui envahit l’intellecte et qui oscille, ou plutôt fait le pont, le lien, entre le corps et l’esprit. C’est lui qui procure la joie, quand nous nous sentons reliés, unis, à d’autres parties de l’univers, que ce soit un autre homme, une femme, ou la beauté du ciel étoilée. La haine au contraire est le résultat de l’opposition, de la séparation, et elle engendre la tristesse. L’amour et la haine, comme l’attraction et la répulsion, sont les mouvements premiers de l’univers.

Or nous sommes seuls, isolés, piégé dans notre conscience, dans notre corps imparfait, séparé depuis la naissance de la matrice dont nous venons, à la fois mère et univers. Cette solitude est l’origine de notre inquiétude, du souci qui nous habite en permanence et nous enjoint à chercher une manière de remplir ce vide sidéral par toute l’activité dont nous sommes capables. Malgré toute l’agitation dont nous sommes capables, nous ne trouvons nulle part sur terre l’amour dont nous avons besoin, la grande connexion au reste de l’univers sans laquelle nous ne pouvons être pleinement heureux, ni pleinement rassuré, ou au moins consolé de cette chute dans la matière et dans l’être impermanent qui caractérise nos vies.

L’Amour est l’ingrédient essentiel dont nous avons besoin pour vivre avec un minimum de sérénité. Nous le cherchons partout. Enfant, si nous avons eu de la chance, nous l’avons reçu de nos parents, et nous avons un début d’assise suffisant parfois pour traverser la vie et faire notre oeuvre d’homme. L’amour est reçu des parents, il a présidé à notre conception. Nos sommes une partie de la mère qui nous a mise au monde, et dans la plupart des cas, cette mère aime et reste attachée à cette partie. Mais le chemin de l’amour parfait, inconditionnel, est semé des embuches de la matière. Il y a mélange, pénétration, expulsion, multiplicités des pulsions et des intentions qui nous ont fait venir à l’être. Et puis il y a nous, malgré tout cela conscience nue prise dans la découverte d’elle-même. L’amour nous soutient. Puis il nous conduit à la perpétuer l’espèce nous-mêmes. Nous ne sommes plus que relais, heureux, mais froid, de la destinée humaine. Et moi dans tout cela? Que deviens-je dans ce tourbillon? Quand vais-je être aimé pour moi-même?

A cette angoisse, seul le Christe apporte la réponse parfaite. Non pas, comme on le croit trop souvent, en nous commandons de nous aimer les uns les autres ou d’aimer notre prochain comme nous-mêmes. Comment pourrais-je accomplir cela parfaitement en effet, tant que je ne connais pas l’amour, ou sur l’amour, sur son modèles terrestre, reste mêlé d’intérêts? Je ne le peux pas. Je peux bien reconnaître la dignité de l’autre et voir en tout homme un autre moi-même, ce n’est pas encore suffisant pour fonde un amour universel. Le vrai message du Christ est l’amour qu’il porte, offre et confirme à chacun d’entre-nous. C’est sa double nature, à la fois homme et dieu, qui nous permet de recevoir son amour de manière charnelle et émotionnelle. Une réception, une imagination qui nous console, nous détend, et nous relâche comme aucune autre. Il convient d’en faire l’expérience, de méditer sur cet amour pour le ressentir l’apaisement dont il est capable.

La Cène de Léonard de Vinci

A tout moment, en toute circonstance, Jésus m’aime. Dans la faiblesse comme dans la force. Dans l’erreur, comme dans la vérité. Il est le soutien de ma solitude et le compagnon parfait de mes joies. Il est toujours disponible pour m’apporter son amour. Je suis ainsi relié à l’univers dont je me reconnais être pleinement un fils ou une fille, quelque soit l’ampleur ou la nullité supposée de mes réalisations terrestres. Je me vois redonné le droit au bonheur et à la douceur. Le « fait » que cet amour soit donné par un homme au statut ontologique si complexe, qui a été et qui est encore, qui est homme et dieu tout à la fois, est la clé de l’efficacité de cet amour. Ce n’est pas une divinité non figurée, jalouse, créatrice et juge, qui cherche à faire avec moi ou mon peuple une alliance, un contrat reposant sur des obligations. C’est le message d’un ange venant des profondeurs de l’univers et descendu jusqu’à moi. Ce n’est pas non plus l’amour purement intellectuel du dieu des philosophes et de Spinoza. C’est un amour charnel qui me touche comme une caresse. La raison me juge toujours, quand bien même je saurais que rien ne lui échappe et que je ne suis donc pas coupable. L’amour du christ au contraire me soutient dans mes efforts et me console dans mes échecs. Il accomplit la parole de l’Ancien Testament en réalisant sa promesse d’amour. Il prend sur lui tous nos péchés, permettant un amour sans tache. Fils de dieu, il nous réunit à l’univers en étant la médiation charnelle de l’amour de Dieu envers nous.

Cet amour me réconcilie aussi avec moi-même. Il empêche ma mauvaise conscience de me maltraiter en permanence. En cela Jésus réalise effectivement son programme de rachat de tous les péchés. Aimé de Dieu, libéré de ma culpabilité, je peux à nouveau m’aimer moi-même. Notre rapport à nous-même à cela d’étrange qu’il se construit dans la médiation avec les autres. Nos parents, nos amis, des lois que nous nous donnons, des images que nous recevons. Notre confiance en nous-mêmes n’est pas quelque chose que nous construisons tout seul. Spinoza l’explique parfaitement. Plus j’aime Dieu, plus je comprends l’amour que Dieu a pour toutes ses créatures, et singulièrement l’amour qu’il a pour moi-même. Mais dans l’Amour de Jésus, nous n’avons pas besoin de l’aimer nous-même pour qu’il nous aime. Nous ne faisons pas le premier pas. Il n’y a pas de condition, pas d’effort de notre part.

Spinoza montre à la fin de son Ethique que l’amour intellectuel de Dieu est le seul chemin vers le bonheur. C’est la seule véritable alternative au message du Christ

Nous ne cherchons pas à cacher tout ce qu’il peut y avoir d’étrange et d’irrationnel dans cet amour du Christ. Il nous parle le langage du corps et de l’imagination et permet ainsi de donner un contenu émotionnel positif à la croyance en dieu et à la foi. Empli et certains de cet amour, nous pouvons nous tenter à notre tour de le porter et de le communiquer aux autres, dans notre famille et nos relations sociales. Cela ne signifie pas que nous devions être naïf, mais que nous pouvons reconnaître cette souffrance métaphysique et ce chemin de guérison chez chacun d’entre nous. Nous pouvons aussi tenter une synthèse différente de celle de Spinoza et considéré que Jésus nous aimera d’autant plus que nous parviendrons à être plus rationnels, sans gâcher en rien, sans pour autant conditionner son amour.

Appendice

On trouve chez Luther de très nombreuses références très proches de la formulation de Spinoza. Tellement proche en fait qu’on finit par se demander si Spinoza n’est pas finalement un penseur marqué par le protestantisme.

Dans ce petit opuscule, écrit avec un grand talent rhétorique, Luther présente une thèse toute simple. La liberté du chrétien est dans sa foi et dans sa croyance en dieu. Contrairement à la thèse défendue par Saint Augustin, qui reprend la tradition platonicienne, et pour lequel la liberté passe par l’usage de la raison, Luther défend une foi du cœur, une liberté qui est produite directement par la croyance et par les sentiments. Il ne fait jamais aucune référence à la raison. « Par la foi, tous tes péchés seront pardonnés, toute ta perdition sera vaincue. » Les commandements, que nous ne parvenons jamais à suivre, nous plongent dans le péché encore plus. Par cet argument, Luther vise les juifs, emprisonnés dans la culpabilité de ne jamais réussir à obéir à tous les commandements.

« … l’homme intérieur ne fait qu’un avec Dieu, il est gai et joyeux par amour du Christ qui a tant fait pour lui, et sa seule joie est de pouvoir en retour servir gratuitement Dieu de ce même libre amour ».

« dans la mesure où la foie la (l’âme) purifie, et lui fait aimer Dieu, l’âme aimerait que tout le reste, et ant tout son propre corps, se purifie aussi, que chacun aime et loue Dieu avec elle. » Ce ne sont pas du tous les oeuvres qui vont purifier l’homme. Elles ne seront juste que si l’âme déjà est juste, n’en déplaise à Weber et sa célèbre thèse sur le protestantisme et l’esprit du capitalisme.

« Vois, c’est ainsi que de la foie jaillit l’amour et la joie en Dieu, et de l’amour une vie libre, voulue, joyeuse, passée à servir gratuitement le prochain ».

Ce qui repose sur un calcul rationnel basée sur le système des émotions chez Spinoza et qui conduit exactement au même point, à savoir l’amour de Dieu et à la joie continue qui vient de cette amour, repose chez Luther entièrement sur la foie, sur la croyance en Dieu.

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