Le désir, le fait de vouloir, d’être attiré ou d’être repoussé par quelque chose, est le cœur de l’organisation de notre puissance vitale. Le caractère est la manière dont nous déployons ce désir à travers notre vie. Il est à la fois notre manière de réagir aux choses et aux êtres, et ce qui définit les buts que nous pourchassons. Mais d’où vient-il? Comment est-il construit? Est-il réellement modifiable? Toutes ces questions d’ordre anthropologique et psychologique complètent la définition philosophique du désir.
Le désir est désir de l’autre
L’origine de l’organisation du désir a été découverte depuis longtemps, mais elle est restée formulée de manière étrange et peut compréhensible. On dit, en suivant Lacan ou René Girard, que « le désir est désir de l’autre ». Qu’est-ce que cela peut bien signifier?

Le désir avant la naissance
Nous sommes le résultat, la conséquence du précipité du désir de nos géniteurs, qui ne sont pas encore nos parents. Nous portons cette première détermination, et nous sommes ainsi, dans un premier sens, « désir de l’autre ». Ce désir qui nous a fait advenir au monde résonne en nous dans ces différentes dimensions de volonté conscience, de désir inconscient et même de la manière dont nos géniteurs ont fait l’amour ce jour-là. Les fées, qui selon les contes qui portent leur nom, se penchent sur le berceau des enfants avant même leur naissance.

Nous mimons, nous imitons déjà le désir qui nous a fait naître et celui-ci « informe », c’est-à-dire façonne, la forme de notre propre désir et singulièrement de notre vie sexuelle, de la manière dont nous aurons, dans nos fantasmes, envie de faire l’amour et de ce que nous allons nous autoriser ou pas dans la mise en oeuvre de nos relations. Nous comprenons ce que cette thèse peut avoir de spéculatif et de quasiment indémontrable. Elle a aussi pourtant sa propre logique, qui repose sur la puissance de l’imitation que les enfants font des parents, et sur l’idée que le désir crée ce dont il est désir, sans être neutre, mais en déterminant au contraire ce qu’il créé, en y laissant sa marque, comme celle du créateur sur la créature.
Le désir et la naissance
Le second moment est essentiellement le moment maternel de la grossesse et de l’accouchement. S’y joue tout le rapport de la génitrice, qui est aussi tout de même le plus souvent la mère, et de son enfant à naître. Modification du corps et vision de soi, découverte du pouvoir, plus ou moins assumé, de la conception, peur de l’accouchement plus ou moins prononcée, projection dans le futur rôle de mère, désir (ou non) de l’enfant à venir, qui dépend aussi en partie de l’attachement au géniteur, et au milieu de tout cela, sans doute un peu perdu, le rôle du père. On sait déjà que le bébé à naître peut entendre, d’une manière spéciales, tout ce qui se passe autour de lui. Mais c’est surtout au moment de l’accouchement, du passage dans la réalité, que tout va se cristalliser. L’accouchement, sa durée, sa difficulté, l’anesthésie, etc, représente comme un message qui va rester à jamais gravé sur la peau de l’enfant qui vient de naître. Le nourrisson va ressentir dans tout son corps, sur toute sa peau, les mouvements de contractions, puis du vagin, et enfin les mains du gynécologue et des sages femmes. Quelques premiers soins lui sont éventuellement prodigués, avant qu’il ne revienne au contact de la peau de sa génitrice. Ce point, l’organisation exacte de l’accouchement, et encore largement sous-estimé par la profession médicale. La relation entre la mère et l’enfant se joue très fortement à ce moment. L’accouchement est le précurseur, l’archétype de ce que seront les relations entre la mère et l’enfant. La présence du père, le geste symbolique de la section du cordon ombilicale est fondamentale et devrait même être obligatoire. L’enfant n’est pas que l’enfant de la mère.

Cette marque donne le « la » du comportement que l’enfant et la mère auront l’un envers l’autre. Un accouchement douloureux laissera la marque de la douleur et de la peur sur l’enfant. Il sera toujours psychiquement proche de cette mère qui aura eu tant de mal à le mettre au monde. L’enfant non voulu ne s’aimera sans doute jamais lui-même. Il s’interdira mille et une choses. L’enfant dont la conception et l’accouchement seront agréables pour la mère et le père, s’aimera aussi lui-même plus facilement.
Il convient bien évidemment d’apporter toutes les nuances de la complexité à cette analyse. Les liens ne sont pas toujours directs. La puissance du désir est particulièrement difficile à décrypter, ressentir ou deviner à partir des paroles et des récits des autres. Nous généralisons, forcément un peu vite, pour marquer les lignes de l’analyse.
Le désir et l’éducation des parents
Vient ensuite le temps des premières années et de l’éducation. Nous avons été enfants avant que d’être homme, nous rappelle Descartes. Nous avons vu, entendu, senti, désiré, avant même de comprendre ce qui nous arrivait, avant la conscience, avant le développement de la raison. Et cette organisation primitive a laissé, là encore, une empreinte quasiment indélébile sur nous. La plupart du temps, les géniteurs étant aussi les parents, il y a une continuité complète entre les désirs ayant présidés à notre conception, l’accouchement et l’éducation que nous allons recevoir.

La définition selon laquelle « tout désir est désir de l’autre » prend ici un autre son sens. Son double sens pour être complet. Elle signifie que tout désir est désir d’être en relation avec un autre, de lui plaire et d’être aimé par cet autre. Elle signifie également que notre désir n’est pas du tout, contrairement à ce que nous serine le monde moderne, un désir individuel auto-généré, dont on se demande d’ailleurs d’où il pourrait bien venir, mais l’imitation du désir de l’autre, ou plus précisément de la manière qu’à l’autre d’obtenir l’amour que nous convoitons également.
Enfant, nous ne désirons rien d’autres que d’être aimé de nos parents, et en général plus particulièrement de l’un de nos deux parents. C’est lui cet l’autre que nous désirons avant tout. Pour réussir à nous en faire aimer, nous imitons le comportement du conjoint qui a son amour. C’est ainsi que ce noue le mélange qui donnera le caractère.
Nous aimons les deux, parfois l’un après l’autre selon les âges de la vie, parfois l’autre. Nous avons besoin d’aimer, c’est la racine commune psychique qui organise notre sociabilité. Jalouser ou haïr, c’est la même chose en négatif. Le rapport aux autres est une constante. Le petit enfant désir en général d’abord sa mère. Elle le nourrit, elle le réchauffe. Elle sent bon. C’est simple. Puis arrivent les moments d’absence et de séparation. Comment reconquérir cette mère que l’on aime tant? En se rendant aimable bien sûr. Et que voyons-nous ou savons-nous qu’elle aime? Cet homme qui a le droit d’aller dans lit et qui nous dit-on, sans que l’on en soit jamais vraiment sûr, aurait participer à notre création. Plaître à notre mère, c’est alors forger notre caractère sur celui de notre père, cet être qu’elle aime. Elle nous aimera comme elle l’aime. C’est sûr, c’est clair. D’ailleurs, lui aussi nous dit-on l’aime. Nous pouvons aussi déterminer l’amour que nous avons pour notre mère en l’aimant comme lui l’aime et l’aimant ainsi comme elle aime être aimée. Enfin le croyons-nous et le comprenons nous à travers nos yeux, nos émotions, besoins et sensation d’enfants.
Et il en va de même de notre père. Car lui-aussi nous l’aimons, malgré tout. Et pour en être aimé, nous imitons le comportement de notre mère à son égard. Notre caractère, que nous croyons si uniquement, si particulier, n’est presque rien d’autre que le mélange, l’addition de ces deux mimétismes et de ces deux amours. Presque, car de nombreuses variations sont possibles. Le géniteur n’est pas toujours le parent, et la marque de cette différence reste gravée. Nous avons pu être un enfant non complètement désiré à la naissance, puis découvrir tout de même du soutien, de la raison d’être dans le désir du père, voir même dans le désir d’un autre membre de la famille, un frère ou une sœur de l’un des parents, un grand-père ou une grand-mère, qui tardera plus ou moins à se révéler comme étant la véritable source du désir qui nous soutient dans notre être. Toutes ces configurations et bien d’autres sont possibles dans le grand mélange et la grande fusion des désirs que provoquent le mimétisme et l’entrelac des désirs des uns et des autres.
C’est la vérité qui nous crèvent les yeux, comme Œdipe creva les siens, comme le héros médecin de Eyes wide shut, le dernier film de Kubrick, découvre toute la grégarité de l’organisation du désir humain. Mais point n’est besoin d’aller si loin dans l’analyse. Le complexe d’Œdipe tel qu’il est décrit par Freud, n’est qu’une modalité possible d’une organisation plus puissante et plus structurante. Le mimétisme nous engage à faire comme nos parents, mais « comme » ne veut pas dire prendre leur place au sens littérale. Car nous aimons les deux, et imitons les deux. Quand nous connaissons une famille de manière intime et détaillée, il n’est pas difficile de voir tous ce que les enfants ont copiés et continuent de copier de leurs parents. C’est également très frappant chez certaines personnes qui ont organisées de manière assez étanche les deux versants de leur caractère, gardant l’un pour la maison, le foyer, les proches, et l’autre, parfois radicalement différent pour leur monde professionnel.

A moment, nous souhaiterons forcément plus l’amour et l’approbation de l’un des parents plutôt que de l’autre. Nous suivrons celui qui nous rend heureux, ou celui qui nous semble avoir le mieux réussi et être le plus puissant des dieux. Il est d’ailleurs probable que les hommes et les femmes n’aient pas les mêmes critères d’orientation. Pour plaire à celui dont nous attendons le plus la reconnaissance, nous allons nous mettre à nous comporter exactement comme l’autre parent. Etre reconnu par notre parent est la médiation par laquelle nous nous reconnaissons nous-même. Le parent est la référence identifiante. La création de soi est d’emblée un processus social qui passe par le regard de l’autre sur moi.
Et là, c’est le drame
Nous faisons tout bien, ou pensons le faire, mais la plupart du temps cela ne marche pas, et cela ne peut pas marcher. Mais pourquoi?
Tout simplement parce que les parents n’attendent pas de leurs enfants ce qu’ils attendent de leur conjoint. Ils ont des attentes toutes différentes. Parfois, ils n’aiment même plus leur conjoint et sont consternés de voir ce comportement qu’ils n’aiment pas se reproduire chez leurs enfants. Ils sont aussi, en ce qui les concerne, dans le même aveuglement que les enfants, répétant eux-mêmes.
Parfois c’est dans la fratrie que l’un des enfants est perdus dans ses identifications. Les premiers nés ont pris toutes les places imitatives, ou bien le petit dernier a pris la place symbolique du second. Parfois c’est dans les futurs amours de l’enfant-adolescent, qui peuvent se construire sur une relation plus ou moins validée par les parents les amis. Qui n’est pas tombé amoureux de l’amour de son ami, surtout quand cet ami lui-même ont reçu l’approbation symbolique de nos propres parents ? Qui n’a pas connu une relation que ses parents n’approuvaient pas? Nous sommes parfois, souvent même, perdus dans le chemin des imitations? Au mieux, tout ce passe bien, et c’est des années après, des décennies après, une fois le brouillard dissipé, que le comportement de l’époux ou de l’épouse se réduit de plus en plus à une version symbolique de celui du beau-père ou de la belle-mère, sans que toutes les années d’amour n’aient finalement rien changé, ou si peu, au caractère de l’époux?
Nous croyons que nous communiquons, mais en fait nous n’échangeons que très peu. Le langage n’a pas tant d’impact que cela sur la convergence des visions interpersonnelles. La communication est le plus souvent médiatisée par des outils, tels l’argent, le travail, les oeuvres d’art, les associations qui nous réunissent autour de thèmes que nous partageons parfois plus avec des étrangers qu’avec notre famille.
La circularité de l’amour de soi et des autres
Notre caractère, notre sociabilité, les choix futurs de nos amours et de nos activités qui se jouent dans ce mimétisme primitif. L’organisation de notre désir se met en place très tôt, peut-être même avant notre naissance. Dans nos premières années, il se développe avant le langage, et avant la pensée rationnelle. Il s’inscrit ainsi au plus profond de notre psyché, dans certains recoins qui deviennent peut-être inaccessible plus tard. Nous restons, peut-être à jamais, tributaire de cet attachement enfantin et de ce qu’il a construit. Tous ceux qui s’observent eux-mêmes ou qui ont fait une thérapie savent à quel point nous sommes psychologiquement rigides et à quel point ce mécanisme est difficile à reprogrammer.
Quand nous tombons amoureux, une étrange dialectique se met en place. On présente souvent l’amant comme uniquement soucieux de l’aimé. Il serait prêt à se sacrifier pour l’autre. Mais cet élan ne peut se maintenir éternellement. Il peut durer plusieurs années, mais sans réciprocité, il finira toujours pas disparaître ou se transformer. L’amour ne peut rester sans réponse. Le célèbre « si tu l’aimes tu la laisseras vivre son bonheur », sous-entendu, « y compris sans toi », ce critère ultime de la réalité de l’amour qui consisterait à être capable de se sacrifier à son propre amour pour l’autre est une impasse. C’est en effet au moins, si ce n’est plus, notre propre bonheur, celui de l’aimant, qui est en jeux. Nous ne nous disons pas seulement que nous aimons une personne, mais que nous ne serions heureux uniquement que si nous avons son amour en retour. L’amant est dépossédé de son propre bonheur, qui est remis dans les mains de l’être aimé. Nous devenons ainsi presque esclave de celui que nous aime. Nous entrons dans une sujétion, une dépendance, qui a, comme nous le verrons dans un autre article, toute son importance. Nous ne sommes plus rien à notre propre yeux si nous n’avons pas l’amour de l’être aimé , alors qu’au contraire, nous nous sentons sommes tout, capable de surmonter toutes les montagnes quand nous sommes aimés par la personne que nous aimons. Nous nous aimons ainsi nous-mêmes par, dans, la médiation de l’amour de l’autre. Nous aimons. Nous nous aimons aimant, car nous ressentons des émotions universellement reconnues comme bonnes. Nous nous dépersonnalisons, en remettant notre bonheur dans les mains de celui que nous aimons. Nous attendons de savoir si nous serons digne de recevoir l’amour de l’autre. Dans ce suspend, cette attente, nous avons souvent du mal à vivre. Nous sommes suspendu dans une forme de latence de tous les autres désirs, surtout quand la maladie d’amour nous prend quand nous sommes jeunes. Sans amour de l’autre, nous nous sentons incomplets et seuls. La littérature a inventé les belles images de « l’âme sœur », ou de la « moitié » pour imager, comme Platon dans son Banquet, ce manque profond qui fait que nous sommes sans être jamais complètement, qu’il y a en nous un néant, qui demande, qui appelle, une solution dans la relation aux autres.
Pour s’aimer soi-même, il faut recevoir l’amour de l’autre et principalement de celui que nous aimons. C’est ainsi que nous avons tous ce besoin primitif de reconnaissance, découlant de la structure psychique de notre psyché. Le « re » maque cette mécanique du retour à soi-même, cette manière que nous avons d’être en phase avec nous-mêmes uniquement quand nous nous retrouvons dans le regard et la parole de l’autre.
dentique. Nous sommes bien peu de chose.
La religion
L’organisation des religions fonctionne à peu près de la même manière. La religion catholique a magnifiquement sophistiqué le dispositif. Le baptême mime la naissance, la rupture des eaux, pour la rejouer et recréer un nouveau système d’identification du désir, pour attacher le fidèle à la religion. Il lui donne ensuite des images identificatrices qui miment elles aussi celles de la famille. Marie est la mère, Dieu est le père, Jésus est l’enfant lui-même et le saint esprit est le dogme, la loi de l’amour à laquelle il faut tout sacrifier.
Ainsi la conscience du fidèle sa se créer elle-même dans une double identification au modèle familiale et au modèle religieux. La puissance du modèle sera d’autant plus grande que la famille sera elle-même déjà prise dans le même système religieux. C’est ainsi que la religion crée les systèmes d’attachement les plus puissants, plus puissant que ceux de l’Etat lui-même.
L’Etat a le net désavantage de devoir gérer les affaires quotidienne, la difficile réalité de tous les jours, d’organiser les intérêts contradictoires de tous les hommes. La religion reste elle dans le registre de l’imaginaire totalisant, de la vie parfaite ici et surtout dans l’au-delà. Il est plus facile de mobiliser l’imaginaire quand on n’organise les mariages, les naissances, la mort, que lorsqu’il s’agit de trouver le pain quotidien.
Peut-on se libérer de cette organisation primitive du désir?
Dans la plupart des cas, cette organisation fonctionne bien. Même son imperfection est un avantage. Elle nous donne une manière de nous comporter, des valeurs selon lesquelles nous pensons et parfois réagissons, des exemples qui nous façonnent, nous orientent vers des métiers qui nous permettent de gagner notre vie, et nous préparent pour nos histoires d’amour.
La multiplicité des modèles que nous pouvons imiter nous permet d’étendre notre propre conscience et de trouver des ressources pour de nombreux comportements différents. L’adolescence nous offre aussi une sorte de parenthèse biologique qui semble nous permettre de remodeler notre comportement pour nous relancer dans de nouvelles relations. Les modèles et schémas parentaux nous semblent mis à distance et nous avons l’illusion de construire notre propre identité. Ce phénomène est tout de même assez étrange, parce que sur le long terme, il ne pèse en fait pas lourd dans la création des fondements de ce que sera notre vie future.

A la vérité, nous restons tout simplement la plupart du temps soumis à notre principal attachement imitatif et nous continuons à la répété, presque quoiqu’il arrive dans notre vie. Nous imitons toujours soit les comportements dont nous pensons qu’ils vont nous donner l’approbation du parent dont nous recherchons le plus l’approbation. Peut importe que ce soit le père ou la mère. Si nous avons cherché l’approbation de notre père, nous allons imiter notre mère, qui a le comportement que nous croyons aimable. Et inversement si c’est notre mère. Et là, si ce comportement nous cause de nombreux problèmes, dans notre couple, notre vie professionnelle, ou notre rôle de parent, nous allons avoir toutes les peines du monde à nous en défaire.
C’est à travers cette identification principale que nous voyons le monde. Elle nous est constitutive. Peu de personne sont mêmes capables d’imaginer qu’elles ne se limitent pas à ce comportement et qu’il leur est possible de changer. Bien au contraire, jusqu’à un certains points, protéger cette identité est pour nous vitale, d’où la mise en place de ces nombreuses stratégies qui permettent de ne jamais se remettre en cause, comme le déni, l’attaque des autres, le mensonges, l’oubli, etc.
Les chemins de modifications sont peu nombreux. Il y a la les promesses et la réalité. La philosophie promet que la raison peut tout renverser. Nous savons depuis longtemps que c’est insuffisant, voir impossible. La psychanalyse nous promet aussi que le transfert, le moment ou l’analysant, le patient, devient amoureux de l’analyste comme de ses propres parents, va permettre la mise en place d’un nouveau système. Nous avons désormais assez de recul pour dire que la réussite de ce dispositif tient plus de la chance que d’une réussite systématique. Il y a encore la religion qui nous promet l’amour de dieu, nous l’étudierons dans l’article suivant. Que reste-t-il alors? La dépression et l’amour de nos enfants.
Dans les deux cas, il y a comme un sens de la survie, une urgence, qui dépasse tous les autres dispositifs possibles. La dépression est une forme de mort du désir, une impasse de son organisation. La réorganisation est nécessaire si l’on veut en sortir et recréer un désir de vivre et des valeurs sur lesquelles fonder notre action. Même à l’issue d’une sévère depression il est possible que l’essentiel du comportement n’ait pas encore été touché.
Dans l’éduction des enfants, il y a clairement l’engagement envers une autre personne que nous aimons, cette fois-ci réellement, d’un amour désintéressé. C’est ce que l’on appelle la responsabilité. Quand bien même l’enfant ne montrerait aucun signe d’affection, nous nous en occuperions tout de même. La parentalité est un moment privilégié de transformation. La prise de conscience de la répétition d’un comportement est beaucoup plus simple, parce que la différence entre ce que nous faisons réellement, comme avoir un comportement violent envers l’enfant, et ce que nous voulons faire, à savoir nous comporter correctement, est presque transparente. C’est le moment où le parent se rend compte qu’il reproduit automatiquement, même contre sa conscience, un comportement qu’il déteste. Nous pouvons même réaliser à ce moment que ce comportement a été hérité par le parent imité de son propre parent et comprendre la puissance à laquelle il n’a pas réussi à échapper. Ainsi nous progressons, pour peu que nous ayons été capables d’avoir un regard suffisamment critique envers nos propres parents. Mais là encore, nous allons changer certaines choses, mais sans doute pas encore l’essentiel. Nous aurons pour nous servir d’appui, la relation d’affection que nous avons avec nos propres enfants. Leur épanouissement, loin des comportements les plus toxiques que nous avons pu subir, sera notre récompense. Mais rien n’est garanti. La plupart vont au contraire perpétuer les comportements toxiques qui ont été acceptés dans leur propre famille, incapables de prendre une distance suffisante dans leur attachement et la modification de la manière dont ils se voient eux-mêmes que cela suppose.
La piste mimétique nous demanderait de reconfigurer l’organisation du mimétisme. Il faudrait soit désirer autre chose, c’est-à-dire l’approbation d’une autre personne, et / ou s’identifier à un autre comportement pour y arriver en prenant un autre modèle à imiter. Cela n’est pas simple, loin de là. En revanche, nous pouvons trouver dans les interstices des recommandations de nos parents la force de nous appuyer sur une autre partie de leurs paroles et, pour ainsi dire, de reconfigurer la compréhension que nous avons de leur désir entre-eux et à notre égard.
Pire, les comportements à travers lesquels nous nous punissons, ou nous récompensons, les comportements liés à la mésestime de soi-même ne sont que très peu impactés par ces voix de modifications. Il n’est peut-être pas possible d’être heureux sans finalement réaliser le programme que nos parents avaient pour nous.
La suite de cette article, et les généralisation du principe mis en évidence ici, est exposée dans l’article suivant:
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