Les véritables impacts des réseaux sociaux

Les réseaux sociaux sont désormais installés depuis suffisamment longtemps pour que nous puissions assez facilement en mesurer les impacts, pas tous glorieux, comme chacun peut le reconnaître. C’est tout le paradoxe. Loin de ne faire que nous rapprocher, en mettant à disposition des moyens de communication dont personne n’avait jamais même rêvé dans l’histoire de l’humanité, les réseaux dits sociaux ont surtout contribué et accompagné une certaine transformation sociale.

Le cercle des intimes

Les réseaux sociaux ont complètement modifiés nos rapports sociaux. Nous ne pouvons plus faire semblant d’en ignorer les conséquences. Les premières temps étaient ceux de la fête et d’un certain angélisme. Nous pouvions enfin joindre le monde entier, rapidement, sans contrainte. Franchement, c’est génial. Retrouver les liens perdus, conserver indéfiniment les nouvelles, communiquer à plusieurs. Adieu la lettre, le fax, voir même le téléphone. Fini les collections de timbre, autant que le souci d’aller à la poste. Adieu les horaires également. Nous étions loin de mesurer les conséquences. Nous nous en servions pour mener la même vie, en mieux. Mais petit à petit, le medium, le moyen, a imposé sa puissance et modifié l’usage. La technologie n’est jamais neutre.

Si nous regardons la situation aujourd’hui et la comparons simplement à celle de la situation précédente, les différences se révèlent avec force et simplicité. C’est d’abord chez les plus jeunes que la différence nous frappe. Ils ne vont plus les uns chez les autres. Il n’y a plus autant de fêtes, de soirées, de rencontres. Les « booms » ont disparu. Les anniversaires sont devenus formatés autour d’activités. Les baisers, câlins, bagarres, et autres histoires enfantines reculent. L’amour devient un sujet de jeunes adultes. Les jeux en lignes ont en partie remplacé les jeux de société. On se parle par casques, par réseau. Et quand on se retrouve, c’est le plus souvent pour utiliser côte à côte nos écrans.

Chez les plus âgés, les modifications sont encore plus profondes. Le principal marqueur est celui de l’évolution de la famille. Les mariages continuent, mais les divorces deviennent la règle. Les rencontres se font également par les réseaux sociaux. Les sorties, la recherche, les rencontres par relation interposées, qui jouaient un si grand rôle dans les chaînes de l’amour et de solidarité qui allaient avec, sont en train de complètement disparaître. L’amour n’est plus le même. Le désir d’enfant non plus. Mais peut-on vraiment choisir ses compagnons de vie sur un écran de smartphone, sans tenir compte des rencontres, des lieux, des groupes? Certains couples fabriqués ainsi fonctionnent. De nombreux autres échouent et se limitent aux rencontres intimes, ce qui n’est tout de même pas rien. L’image, la photo, prend une place énorme dans le choix. Une place qu’elle n’avait sans doute pas autant auparavant. Elle devient le premier critère de choix. Le temps de la séduction se limite à quelques minutes. Il ne s’agit plus de se laisser séduire, de séduire, d’aller vers l’autre, mais de trouver le bon « match » en fonction d’une série de critères prédéfinis et en se reposant sur un vague algorithme d’appariement – dont on sait qu’ils sont mathématiquement imparfaits.

Un premier moment de changement profond est venu avec la pilule et la contraception. La révolution technique a plutôt bien commencé. On aura quand même du mal à voir quelque chose de négatif dans la liberté sexuelle nouvelle qui s’en est suivi. (On y ajoute souvent les excès de la sexualité des adultes et des enfants. Une certaine condescendance envers la pédophilie et l’inceste. Mais ils préexistaient très certainement et n’ont pas grand chose à voir directement avec les moyens de contraception. Ce fait est rendu assez évident par le fait qu’il n’y a pas de lien « technique » direct. La pilule ne change rien aux vices et aux crimes d’un pédophile). Un second changement, première marque de replis sur soi, est venu avec le Sida. Il nous a rendu méfiant envers les rapports sexuels, auparavant beaucoup plus libres. Le Covid, qui risque de durer aussi longtemps, aura certainement des impacts similaires, voir plus importants. Nous nous méfions les uns des autres. Le Sida ne concernait qu’une minorité « à risque » de la population. Mais ses impacts ont concerné tout le monde. Le Covid touche tout le monde – littéralement la planète entière.

Par une étrange conjonction des éléments, toutes ces transformations anthropologiques semblent converger vers plus d’individualisme. Que ce soient les maladies de la natures, ou les révolutions technologiques, tout semble nous séparer encore plus les uns des autres et nous pousser vers cette individualité parfaite et théorique qui est l’un des principaux fondements de notre modernité, de son droit autant que de son économie. Le groupe, assurément, n’est pas forcément un idéal qu’il faudrait surestimé.

Le paradoxe est simple et connu. Les réseaux sociaux, qui devraient développer de nouvelles socialisations, renforcent en fait l’individualisme. Dotés de meilleurs moyens de coordination, nous n’aurions plus besoin les uns les autres de la même manière qu’auparavant. Un idéal sinistre pointe: l’autre n’est qu’un objet comme un autre. Je m’en sers quand cela m’arrange. Il me sert à me renforcer dans mon individualité égoïste. Pas besoin d’effort ou de transformation de soi pour comprendre et s’intégrer. Il suffit de swaper, de changer de pages.

Le monde du travail

L’impact sur le monde du travail se réparti en trois axes: les nouveaux métiers, la nouvelle communication professionnelle et l’imbrication de la vie privée et de la vie professionnelle.

Les nouveaux métiers incluent évidemment ceux de tous les ingénieurs informatiques. Hier encore de brillants cerveaux payés à prix d’or, ils sont aujourd’hui les nouveaux ouvriers du numérique. Chacun a sa spécialisé, comme dans le bâtiment. Et les architectes de génie sont finalement assez rares. On ne peut qu’être frappé lorsque l’on discute avec les informaticiens, de l’étroitesse de leur compétence informatique. Certains sont spécialisés dans l’installation de poste, d’autres sur un langage, ou un logiciel. Ils ressemblent plus à un technicien d’usine, attaché à sa machine, qu’à l’entrepreneur 2.0, ou l’utilisateur agile que nous vantent les médias.

L’autre face des nouveaux métiers de la tech, c’est l’importance nouvelle du marketing digital, entre SEO et SEA. Le roi incontesté de ce secteur est Google, le référenceur en chef, l’entreprise qui a réussi a crée un monopole sur la publicité en ligne. Le géant emploi une myriade d’agents directs et indirects. Les indirects sont les plus intéressants. Ce sont tous ceux qui vivent grâce à Google, Youtuber et autres influenceur, complétés par tous les spécialistes du référencement digital. L’image prime partout. La viralité, le « partage », le bouton like, le nombre de vues, la conversion des spectateurs en acheteurs réels… Et dire qu’avant on était incapable de mesurer l’impact d’une campagne de publicité! Désormais on sait tout: vues, visites, panier abandonnée, achat, etc.

Au travail, et c’est d’autant plus vrai depuis le confinement, on échange plus autour d’une table de réunion ou d’une conférence téléphonique. On ne fait plus non plus de long rapport par e-mail. Maintenant, il faut se voir – comme si cela changeait quoique ce soit – et il faut être réactif en envoyant des « Slack », une sorte de Tweet d’entreprise. On écrit pour dire qu’on a reçu un message et qu’on a pas le temps de le traiter tout de suite. On interrompt une conversation pour répondre au téléphone – une pratique tellement mal élevé et dévalorisante pour notre interlocuteur physique, qui a la politesse d’être à côté de nous… Mais quoi, le numérique a la priorité! L’avalanche de messages est la norme. Nous ne sommes plus personne si nous recevons moins de 20 messages à l’heure. Déconnectés, nous avons l’impression d’être un Robinson numérique, perdu dans une réalité sans smartphone. La qualité du travail ne compte plus. Comment de toute manière avoir le temps de faire un travail de qualité, alors qu’il « faut » en permanence, communiquer, reporter, échanger? Les fonctions de production et de secrétariat, autrefois séparées pour toute une partie de la population, notamment pour les classes moyennes supérieures, sont désormais fusionnées grâce à nos amis Outlook et Gmail. La classe moyenne supérieure a pris le même chemin. Elle aussi a fusionnée.. avec la classe moyenne.

Rachat à 27,7 milliards de Slack par Salesforce, pari ou folie?

Sur la vie personnelle enfin, l’essentiel a déjà été dit. Il n’y a plus de frontière. On ne sait plus quand on travail et quand on s’arrête. Ceci dit, cette distinction entre privée et publique est sûrement surestimé. Une très large partie des travailleurs met son travail au dessus de toutes ses autres activités. Nombreux sont ceux qui se définissent par leur travail avant tout. Quitte à accepter tout et n’importe quoi de la part de leur employeur. A l’inverse, le phénomène bien connu du glandeur de la machine à café est en voie de disparition. C’est moins drôle de glander à côté de sa machine, dans sa cuisine, qui ne connaît pas la même fréquentation!

Le numérique, enfin, ouvre un nouveau monde de business. Quel intérêt de se fatiguer à créer un business « réel », quand on peut faire fortune ou vivre décemment en postant des vidéos sur Youtube, ou en créant des activités totalement numérique ?

Sur la politique

Il n’était pas rare encore pendant mon enfance, pas si lointaine tout de même, d’aller prendre son petit déjeuner au café. Nous y attendaient, mon père et moi, quelques croissants, des œufs durs, du café noir sur le comptoir en zinc. Il y avait aussi les journaux, prêts à passer de main en main. En général, il y en avait deux, celui correspondant à la couleur politiques des habitués ou du patron, et l’Equipe, avec les résultat sportif. Cela suffisait à faire société. Le café était le club du petit matin. Les discussions et les échanges se faisaient naturellement. On se hélait à travers la salle. Le ton montait parfois, mais tout le monde restait la plupart du temps cordial.

Où en sommes-nous aujourd’hui? On a bien envie de répondre « nulle-part ». La parole n’a jamais été aussi libre. Résultat? Ce sont les invectives et les dénonciation qui dominent. On nous a vendu la société civile et la liberté d’expression. On se retrouve avec le règne de l’opinion, pour le meilleur et pour le pire. Là où la presse permettait tout de même de structurer le débat, de canaliser les discours, d’afficher les orientations, nous avons maintenant des pseudo-politiciens qui ne vivent que de critiquer leurs confrères via les réseaux sociaux. Jamais les critiques n’ont été aussi virulentes et vulgaires. La réalité n’est plus qu’une lointaine référence.

« Notre démocratie n’a jamais été aussi proche de la tyrannie « 

Une nouvelle étape a été franchi avec la présidence de D. Trump aux Etats-Unis. Le Président a gouverné par Tweet, par des message brefs, sans nuances, sans structure. Le registre est toujours le même: se mettre en avant en glorifiant ses supposés exploits, tout en accusant les autres de mensonge, de complot, et de désinformation dès qu’une nouvelle ne nous convient pas. Peu-importe que tout ceci corresponde à la réalité ou pas. La parole est le reflet de l’âme du narcisse. Le menteur, fidèle à la leçon du sophiste Hippias, joue toujours à fond sur la puissance du discours pour discréditer la réalité. Cette communication, qui dépasse la simple habileté politique, l’art de choisir les mots, ou d’interpréter les situations, est clairement typique de celle d’un psychopathe. Et pourtant, elle ne laisse pas de rencontrer une large audience. Sommes-nous devenus à ce point poreux à la folie que nous la laissions gouverner le monde ? Ou bien toute politique est-elle toujours le fait d’une sorte de cinglés du pouvoir, de dérangés du narcissisme ? Il s’agit de faire la part des choses. Cette dérive politique prospère également sur un appauvrissement généralisé des classes moyennes américaines, pillées par la finance et par la Chine.

Hippias, le sophiste qui tente de convaincre Socrate de la supériorité du mensonge

Une nouvelle conception de la liberté d’expression

En Europe

Notre tradition européenne fonde la liberté d’expressions sur la possibilité de contester les autorités, et principalement l’autorité religieuse. Mais pas de n’importe quelle manière. Pas n’importe comment. Il s’agissait premièrement en Europe de pouvoir tenir un discours rationnel, philosophique ou scientifique, face à la religion catholique, au dogme, à la Révélation supposée indiscutable. La Hollande, qui permettait plus que les autres pays, la publication des pensées, était le havre de la liberté de la presse et de la liberté de pensée. Mais même en Hollande – rappelons-le pour tous ceux qui défendent l’interdiction de l’anonymat – même au pays de la liberté, il fallait encore publier sous un pseudonyme, comme on détient une société sous un nom d’emprunt. Tout le monde sait à qui appartient l’ouvrage. Bien malin qui pourrait en apporter la preuve formelle.

La liberté d’expression, c’était la possibilité de tenir un discours argumenté, scientifique, rationnel, sans avoir à souffrir du dogme, de l’Eglise, de l’autorité. C’était aussi la possibilité de publier ses oeuvres anonymement ou sous un pseudonyme, comme le firent Descartes, Mme de Lafayette, Boileau et tant d’antres. C’est pour la raison dans le discours, pour la restauration du logos et le développement des sciences que l’on s’est battu. Par pour le droit au mensonge et à la manipulation.

Aux Etats-Unis

Aux Etats-Unis naissants, les conceptions de la liberté étaient assez différentes. Deux buts étaient poursuivis. Le premier était celui de la tolérance religieuse. Le second, le droit de s’exprimer en compensation de l’impôt versé.

La tolérance ne permettait pas tant, comme en Europe, d’aller contre le discours religieux, que de suivre en toute liberté la religion de son choix. La revendication de pouvoir parler en échange du paiement des impôts, le célèbre « no taxation without representation », « pas d’imposition sans représentation », n’a vraiment rien à voir avec la très françaises nuit du 4 août, la fin des privilèges et du monopole des richesses. Les Etats-Unis sont à la fois plus spirituels, plus religieux, et plus matérialistes. Mais la recherche de la rationalité, et la puissance du pouvoir de l’Etat sont largement moins forts qu’en Europe.

L’art américain de la synthèse

Il ne s’agit donc pas pour eux d’aller contre le dogme, mais à l’inverse de laissez s’épanouir la multiplicité des paroles religieuses, des chemins vers dieux. De « God bless America » à « In God we trust », le divin est encore partout aux Etats-Unis. C’est une liberté de la prière, fut-elle laïque et franc-maçonne, qui n’a pas la raison pour pierre de touche, et se trouve bien prise au dépourvu lorsqu’un menteur pas tenté infeste le système.

Une nouvelle liberté

Que reste-t-il de ces luttes pour une certaine idée de la liberté? Pas grand chose dirait-on. Les réseaux sociaux ont en parti failli dans leur mission de réinvention de la démocratie et de l’échange social. La promesse d’horizontalité est en train de se transformer en enfers, insultes et calomnies. Un mélange paradoxale, allant de l’interdiction de dire quoique ce soit de négatif sur qui que ce soit, jusqu’aux développement des contre-vérité les plus absurdes se repend à la vitesse de la lumière. Aux Etats-Unis, la tolérance intolérante de la gauche et des minorités fusionne avec les pires contre vérité des Républicains, dont toute l’action laisse à penser que leur seul but est de renverser la démocratie américaine pour lui substituer un régime néo-fasciste dirigé par un clan familiale.

Malheureusement, les deux discours se soutiennent et cohabitent parfaitement. L’objection, le débat, la contradiction sont impossibles. « L’identité » est la seule vérité. Je suis noir, juif, blanc, femme, homosexuel, musulman, chrétien… Un point c’est tout. L’universalité, le fait d’être juste un homme et rien de plus, disparaît sous la revendication du singulier, du particulier. Un blanc n’a plus le droit de se déguiser en noir. Un noir ne saurait jouer un personnage blanc dans un film. Seuls les homos ont le droit d' »être homo » et tout déguisement serait une insulte. Nous sommes tous réduits, raccourcis, refermés. Quel monde étrange! Quelle étrange alliance de l’identité et du mensonge, de la défense d’une réalité minimale, souvent réduite à l’image extérieure, et le refus de la réalité concrète, objective.

L’Opinion, la Morale, le Droit

Les réseaux sociaux signent le grand retour de la morale publique et du tribunal de l’opinion. Pendant trop longtemps, le droit s’est pensé comme le référent ultime et indépendant de toute autre source, de la formalisation de rapports humains. Le voilà maintenant remis à sa juste place, replongé dans le dialogue avec ses véritables sources, Le retard accumulé sur une grande partie des sujets sociaux entraîne des revendications légitimes. Mais le droit doit aussi permettre de poser des garde-fous, de contrer les dérives en s’appuyant sur des principes. Or ces principes font encore en partie cruellement défaut.

Certains sujets émergent de manière récurrente: la religion, le sexe, la gestion des différences.

Pour la religion, c’est l’offensive des dogmatismes, qui tissent leur toile sous prétexte d’exigence de « respect » de leur croyance. C’est évidement un recul. la ficelle est bien grosse, mais elle révèle aussi à quel point le travail de la laïcité est resté à demi-achevé. Il n’y a qu’à voir en France le mélange de lâcheté face à l’Islam et de puissance de l’éducation catholique jésuite pour se persuader que le problème est bien plus profond qu’on ne le prétend.

Il ne faut pas s’y tromper, toutes ses revendications sont tout simplement du racisme. Elles prétendent mettre une catégorie au dessus des autres. La première forme de racisme moderne, c’est le féminisme, qui clame partout que les femmes sont meilleures, plus fortes, plus sociables, plus ceci, plus cela… Pour quel résultat? La haine des hommes et la guerre des sexe. Il ne s’agit pas de nier les violences faites aux femmes, et l’omerta qui continue scandaleusement de les accompagner. Mais ce n’est assurément pas la bonne défense.

On imagine mal un site appelé « adopte une meuf ».

Sur la gestion des différences, c’est une forme de combat politique, rejouant la question de l’hospitalité dû au voyageur, de la tolérance pour les différence. Mais le rapport s’est inversé. La minorité, les minorités, dont nous faisons tous partie d’une manière ou d’une autre, attaque la majorité, qui n’est rien d’autre qu’une idée universelle. On ne demande pas l’universe, on exige plus pour soi que pour les autres, au nom de la réparation d’un préjudice dont nous sommes finalement tous victimes et qui serait bien plus le creuset de notre ressemblance que de nos oppositions.

Le sexe enfin est la question qui déchaîne le plus de passion. Sous son versant sentimentale, on parlera d’amour, de concorde, de fraternité. Mais c’est le sujet social par excellence, le but de tout le reste. Nous le voyons assez. Il est partout. Le porno a longtemps été le principal vecteur de développement d’internet. La pilule contraceptive est la plus grande révolution anthropologique. Elle est si importante qu’on ne sait même pas avec quoi la comparer. les discours homos, ou LGBT, les questions sur la procréation, celles sur les violences sexuelles, des prêtres, puis des hommes de pouvoir (Metoo), puis -enfin- des pédophiles et incestes avec le chiffre absolument hallucinant de 10% de la population qui serait concerné. D’une manière ou d’une, il s’agit toujours d’amour et de sexe. C’est-à-dire de la manière dont nous allons créer la génération suivante.

Sur ce dernier point, il y a des raisons d’espérer. Les scandales sexuels éclatent les uns après les autres. Ils sont d’une violence inouïe. Il suffit pour s’en convaincre de comparer les grandes dates du droit. L’homosexualité a commencé à être décriminalisée en France dès 1791. La pédophilie a été couverte par un délai de prescription ridicule jusqu’à il y a peu de temps! Quand aucune loi ne peut s’appliquer, il s’agit bien d’un permis de commettre l’acte. Et quand on sait le temps psychologique qu’il faut pour affronter réellement se type de démon, il est clair que le droit était organisé pour défendre les coupables. (Il faut généralement avoir soi-même construit sa famille et avoir des enfants, se retrouver confronté à la pulsion de répétition du traumatisme, mise en face de son propre enfant, pour que la douleur passées explose de nouveau. Nombreux sont ceux qui n’ont pas la force de lutter contre la répétition).

Le pouvoir de dénoncer et de dire l’indicible pour construire un nouvel amour

En libérant la parole sur ces sujets, finalement bien plus important que ceux de la couleur de peau ou du genre, puisque tout le monde s’y retrouve quelque soit le genre, la couleur ou la religion, les réseaux sociaux, la presse, l’édition, trouve un nouveau pouvoir. L’affaire de la Familia Grande, et de la dénonciation des actes d’Olivier Duhamel faite par sa belle-fille, avocate, mariée à l’un des dirigeants du Monde, nous donne des raisons d’espérer. Tout semble avoir été préparé par le destin pour donner à cette dénonciation un retentissement extrêmement puissant. Espérons qu’elle soit enfin entendu, après des années d’ambiguïté sur la question.

Avec son infallible instinct, Ferry va à l’essentiel: l’amour et l’éducation des jeunes générations doit être le nouvel horizon de notre sagesse

C’est un grand pouvoir des réseaux sociaux que de permettre la dénonciation de ces actes, qui étaient auparavant cachés sous la loi du silence, dans la fermeture des foyers et des familles, étouffés par la honte, incompris dans leur violence.

En dehors des questions, finalement anciennes, des rapports de la démocratie et de la religion, ou des communautés, des singularités, et de la nation ou de l’Etat, il y a dans cette capacité de dénonciation des violences, de la revendication d’une liberté amoureuse et sexuelle, quelque chose de nouveau et de puissamment transformateur.

Appendice

Des médias non régulés

Internet nous faisait rêver d’un monde où tout le monde pourrait échanger et progresser intellectuellement dans l’échange. La réalité n’a plus rien à voir avec le mythe.

L’évolution des réseaux sociaux, twitter, forums sur les journaux, Youtube, nous montre que l’échange espéré est en train de complètement disparaître. Il y a d’un côté des producteurs de contenus, de l’autre leur public, des Followers, ceux qui détestent ces contenus, les haters. La place qui reste pour l’échange est réduite à peau de chagrin. Tout est polarisé. Et nous sommes tous plus ou moins obligé de suivre cette polarisation si nous voulons avoir une chance d’être entendu.

Les producteurs de contenus sont des professionnels qui vendent ou sont rémunérés d’une manière ou d’une autre pour leur présence. Influenceurs, médias, youtubers. Ils sont suivis de prêts par les idéologues, au premier rang desquels nous voyons les complotistes et les religieux islamistes. Ils pratiquent l’influence dite « d’atmosphère ». Ils propagent au maximum leurs idées dans un milieu justement propagateur. Ils ont des moyens importants (on ne peut qu’être consterné de voir les thèses absurdes d’Asselineau savamment mises en scène sur Twitter).

Vient ensuite le simple citoyen, qui n’a même plus vraiment l’illusion de participer. Il peut bien répondre, mais on attend de lui uniquement qu’il like et partage, c’est à dire qu’il travaille pour le bien du créateur de contenu. D’échange il n’y a point ou quasiment pas ou plus. Le Facebook des origines ressemble de plus en plus à la lointaine utopie d’étudiants qu’il fut effectivement. Vous pouvez vous égosiller sur Twitter, si vous n’êtes pas un professionnel, personne ne va vous répondre.

Ajoutons à cela le nivellement des réseaux sociaux, qui font qu’une propagande russe honteuse côtoie une résolution de l’ONU tout ce qu’il y a de plus réel et historique, et le tableau sera presque complet. Nous avions avant des journaux, tenus par une éthique, soumis à la vérification des sources et à la justice en cas d’erreur. Nous avons désormais une publication de contenu quasiment sans aucun contrôle. La modération ne vaut rien. Elle a même tendance à refusé les argumentations un peu complexe, que les modérateurs ne semblent même plus en état de comprendre.

Dernière pincée de cette recette, l’apparition et la généralisation d’une rhétorique de la punchline qui anesthésie toute pensée un peu élaborée. L’usage de Twitter par Trump en restera le symbole absolu et espérons le indépassable. Diriger le pays le plus puissant du monde avec des tweet de 140 caractères… jusqu’à sombrer au bord de la guerre civile. C’est vraiment le pire de la communication. Même une publicité commerciale sur une chaîne classique est plus développée que ce type de communication. De l’immédiateté qui empêche et même refuse tout recul, toute élaboration émotionnelle, à la brièveté des messages qui s’adressent à ce qu’il y a de pire en nous… le désastre est presque complet. En face, le consommateur de réseaux sociaux habitent dans des pays où l’éducation recule partout. Il est de moins en moins armé intellectuellement pour résister à ces mensonges. Non les Etats-Unis n’ont pas de plan caché pour faire éclater la fédération de Russie. C’est bien la Russie qui a envahi l’Ukraine. Mais pour s’en rendre compte, il faut quand même connaître vraiment l’histoire mondiale depuis la Seconde guerre mondiale. Et c’est du travail, une véritable formation intellectuelle, qui n’existe même plus à Science-Po.

Nous avons toutes les raisons d’être pessimistes. L’effondrement n’est pas morale, il est intellectuel. Tous les médias doivent être soumis à la même réglementation que le presse. C’est la seule solution. Les règles de l’argumentation, logique, réalité historique, doivent être rappelée et enseignée partout. En dehors de cela, point de salut.

Lanceuse d’alerte

https://www.lefigaro.fr/vox/societe/dominique-reynie-sans-reaction-de-notre-part-les-gafam-imposeront-une-orthodoxie-ideologique-20210111

https://www.lefigaro.fr/vox/societe/christophe-deloire-nos-propositions-pour-empecher-les-geants-d-internet-d-exercer-une-censure-privee-20210111

Octobre 2021, une lanceuse d’alerte, ancienne de Facebook, explique comment le réseau social surfe sur tout ce qui crée de l’agitation sociale pour faire de l’audience. Tout ce qui oppose et radicalise les positions de « groupes » de personnes connectées augmente les vues et la consommation de la publicité. les fake news, la haine en ligne, les querelles, les causes radicales, rien ne serait filtré par Facebook, mis en cause jusque dans l’émeute déclenchées par Trump refusant de s’avouer vaincu après avoir perdu les élections. Instagram est également épinglé, notamment parce qu’il nuit à la l’image qu’on d’elle-même les jeunes filles.

https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/10/05/facebook-frances-haugen-une-lanceuse-d-alerte-a-la-demarche-tres-structuree_6097253_3234.html

Comme CNN ayant explosé avec la guerre en Irak, comme Fox News ayant surfé sur la « réaction » Trump, ou plus près de nous, comme BFM TV étant devenu la première chaîne d’info en France en répétant en boucle le moindre fait divers et aussi tous les crimes réels, Facebook, le principal media mondial, avec la moitié de la population connectées, est finalement comme les autres, surfant essentiellement sur ce qui nous oppose.

CNN et la guerre du Golfe en direct

Est-ce la faute de Facebook et des autres? Pas uniquement. La violence nous fascine. La colère nous anime. Nous sommes prêts à nous battre pour nos valeurs. La question politique de la sécurité reste le premier de nos soucis. Les médias ont bien sûr une responsabilité, mais ils sont plus une caisse de résonance, un amplificateur, que les créateurs de la situation.

Il n’est cependant pas impossible de réagir, comme l’a fait le gouvernement chinois, en limitant drastiquement le temps que les jeunes peuvent passer sur les jeux vidéos. La jeunesse est en plein développement cérébral. Son support de représentation de soi, qui se construit tout de même principalement dans la famille, est toujours en construction. Les jeux vidéos et une partie de la communication des réseaux sociaux ne sont évidemment pas adaptés et les restrictions d’âge doivent être respectées. Il n’y a pas si longtemps, le journal de 20h était tout simplement interdit aux enfants.

Appendices

https://www.franceculture.fr/numerique/limite-du-temps-de-jeux-video-en-chine-une-mesure-de-sante-publique-tres-politique#:~:text=D%C3%A9sormais%2C%20les%20enfants%20et%20adolescents,grande%20partie%20d’entre%20eux.

https://www.lefigaro.fr/flash-eco/obama-appelle-a-reguler-les-reseaux-sociaux-responsables-de-l-affaiblissement-des-democraties-20220422

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