Nos plus grands intellectuels cherchent les racines du mal français. Comment en est-on arrivé là? Les plus grandes réponses, à notre sens, s’articulent autour d’un débat passionnant entre d’un côté les intellectuels « labelisés », autorisés, acadamisés, Pascal Bruckner et Alain Finkielkraut, et de l’autre les intellectuels, ou devenus tels, par la force du traumatisme, du drame et des larmes, représentés par Philippe Val, directeur de la publication du journal satirique.
La thèse de la culpabilité
Bruckner et Finkielkraut dénoncent tous les deux les différentes manifestations du mal qui ronge la France. Comme d’habitude, je livre plus ma compréhension qu’une pure répétition de leurs paroles. Parmi les erreurs dénoncées, on trouvera en vrac: -les outrances des nouveaux communautaristes, féminismes, LGBT,etc – la lâcheté de l’administration, que l’on retrouve identique en entreprise, cachée sous la défense des softskills, c’est le fameux #PasDeVague – et enfin la concurrence victimaire, argument sophistique par laquel l’agresseur se fait passer pour une victime. Je suis agressif, mais c’est pas ma faute. J’ai violé cette fille, mais c’est parce qu’elle était en jupe… Atroce faillite de la logique et de la responsabilité.

Au-delà de ces argument le plus étonnant est la racine commune de ces trois maux qu’identifient et dénoncent les deux géants. Tout viendrait de la culpabilité de la France envers les juifs après son comportement durant la seconde guerre mondiale! N’ayant rien fait, pire, ayant collaboré au-delà même des attentes nazis, notamment en la personne de Pierre Laval, les français auraient, par une ruse hégélienne de l’histoire, sombré dans l’extrême inverse et la tolérance totale. Les deux acolytes ont exprimé ces propos cette semaine même (19 octobre 2020), presque l’un après l’autre, sur LCI. Malheureusement, les vidéos ne sont pas disponibles sur Youtube. Cette thèse semble être celle de Bruckner, Finkielkraut ne faisant que la reprendre avec tout son talent. Elle trouve un écho étonnant dans l’histoire personnel de Bruckner, dont le père était un fervent antisémite, tant le fils défend la tolérance avec acharnement (https://fr.wikipedia.org/wiki/Pascal_Bruckner.) Cependant, pour aussi bien argumentée qu’elle puisse être, cette thèse, tout de même très, voire trop paradoxale, est fortement challengée par celle de la partie adverse, plus directe, et plus percutante.
Charlie Hebdo, de la caricature moche à la thèse parfaite
Charlie ce fut longtemps une bande de caricaturistes un peu idiots, potaches et vulgaires, dont chaque numéro semblait un concours de caricatures toujours plus laides. Le moche en héritage et comme fierté revendiquée. Les derniers rescapés de l’humour trash de Fluide glaciale à Reiser, ultime vestige de 68. Depuis des années les parisiens tournait la tête, n’osant plus regarder ces dessins de poils, tantôt de cul, chate ou pénis, qui faisaient l’essentiel des couvertures du journal porno-satirique.

Avec l’attaque contre Charlie Hebdo, tout a radicalement changé, au moins en apparence. Est-ce le drame? Est-ce la mort, qui a transformé ces journalistes en héros de la pensée et de la laïcité ? C’est encore sur LCI, notamment face à la député socialiste Laurence Rossignol (qui n’en menait pas large), que Val a développé son argumentation, aussi simple que limpide. Pour lui, constat partagé par toute la rédaction de Charlie, tout a commencé avec la chute du Shah et la transformation de l’Iran en théocratie islamiste en 1979. C’est le point de départ de la radicalisation de toutes les branches de l’Islam, avec un dénominateur commun simple: la haine d’Israël. Et depuis, cette thèse n’a fait que progresser, se développer, et a transformer l’Islam. La gauche française n’est que le complice, mi-manipulé, mi-complice – voire pour certains branches complètement complices et coupables – de cette mouvance. Cette thèse a l’avantage d’une incroyable simplicité et cohérence. La ruse de l’histoire n’est pas là où on la croit. La gauche française, et notamment l’extrême gauche, n’a jamais fait son mea culpa sur son propre antisémitisme, consubstantielle de sa création, viscéralement inscrite dans sa compréhension du communisme, accompagnée de la sempiternelle haine du juif apatride et capitalisme. Elle s’est cachée derrière la dénonciation du racisme du FN et n’a pas fait sa propre auto-critique. Le nazisme, y compris en Allemagne, est né à gauche de l’échiquier politique. Ne l’oublions jamais. Des manifestations propalestiniennes sous Hollande, interdites, mais jamais sanctionnées, donnant lieu aux dégradations de biens juifs, à la dénonciation du colonialisme aujourd’hui, dénonciation en roue libre et purement idéologique – la décolonisation étant terminée depuis un demi-siècle – faut-il vraiment le rappeler? – l’extrême gauche française est profondément antisémite. Autant, par ailleurs, il est possible de critiquer la politique colonialiste d’Israël, et la ghettoïsations rampante des territoires occupées, autant il paraît impossible de défendre l’autorité palestinienne, un peuple que ses frères voisins musulmans, si généreux, n’ont pas voulu accueillir, et gangrené par l’Iran. Laurence Rossignol, répétant ad nauseam sa thèse victimaire, que les musulmans étaient insuffisamment écoutés, respectées, etc, n’en menait tout de même pas large. Il n’y a pas d’excuse ou de grandeur dans cette erreur morale. Cette thèse de la tolérance repentante, aussi séduisante soit-elle, est fausse. La France est en proie à une véritable et claire faillite morale.
Nous prenons résolument le parti de Val. Rien dans l’histoire longue de la France ne permet de suivre les deux académiciens. La racine de l’antisémitisme français est historiquement un fruit pourri de son statut de fille aînée de l’Eglise. La seule solution, celle commencée, mais inachevée, par Jean Paul II, gloire de son pontificat, est de reconnaître la judéité des chrétiens. Jésus était juif. Le christianisme doit reconnaître dans toutes ses dimensions, son origine juive, plutôt qu’en avoir honte et vouloir l’effacer, générant ainsi son antisémitisme. Quant à notre gauche, aux relents staliniens et communistes, seule la réduction du poids de l’Etat et le développement du libéralisme en viendra à bout. Certains y croient.
« Les chrétiens doivent se sentir frères de tous les hommes et se comporter en conséquence, mais cette obligation sacrée vaut encore plus quand ils se trouvent en face de ceux qui appartiennent au peuple juif ! Dans la « Déclaration sur les rapports de l’Eglise avec le judaïsme » du mois d’avril de cette année, les évêques de la République fédérale allemande ont débuté par cette affirmation : « Quiconque rencontre Jésus-Christ, rencontre le judaïsme. » Je voudrais aussi faire mienne cette parole. La foi de l’Eglise en Jésus-Christ, fils de David et fils d’Abraham (cf. Mt 1, 1), contient en effet ce que les évêques dans cette déclaration appellent « l’héritage spirituel d’Israël pour l’Eglise » (§ 11), un héritage vivant qui, chez nous chrétiens catholiques, est comprise et conservée dans sa profondeur et sa richesse. » Jean Paul II
https://www.paris.catholique.fr/391-Jean-Paul-II-aux-representants.html
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