Depuis le fabuleux coup politique qui a vu, contre toute attente, Emmanuel Macron arriver au pouvoir , le débat politique se polarise essentiellement autour de la distinction entre populisme et progressisme. Exit les notions de droite, gauche, et démocratie sociale, qui font tellement ancien monde! Pourtant ces nouvelles notions restent en partie flous. Donnons quelques points de repères.

Populisme
Le populiste vu par lui-même, souvent Eric Zemmour dans la presse, est le défenseur des vertus de la nation et de l’Etat. Reprenant la posture gaulienne, il ne croit pas au « machins » internationaux et surtout pas à l’Europe. Il avait voté non au référendum de 2015 et estime que la décision du peuple, qui avait voté non, s’est fait volé par les progressistes. Disciple de Séguin et de de Villiers, il fleurte avec le Rassemblement National. Car s’il n’aime pas beaucoup l’Europe, il aime encore moins l’immigration, principale source de tous les mots. Valéry Giscard d’Estaing est le « traite » qui en légalisant le regroupement familial, a ouvert la boîte de Pandore précipitant la France vers un communautarisme anti-républicain. Le populiste va volontiers chercher des citations chez Péguy. Il ne le dit pas trop fort, mais ses racines intellectuelles date du romantisme, ce mouvement intellectuel né après la Révolution française sur les ruines de la monarchie et de la chrétienté. Il défend les « racines », l’enracinement, le local, avec une tendance protectionnisme. Bien sûr, il déteste la mondialisation libérale, dénonce le capital apatride, avec des accents qui ne sont pas sans rappeler les diatribes antisémites de l’entre deux guerre. Le populisme cependant, n’est pas un fascisme. Même pas light. Il n’est pas radical. Il ne propose aucune solution pour ainsi dire inacceptable. Il préfère citer Soumission de Houellebecq, que Mauras.

Si nous avons marqué les principaux traits français, ce mouvement est en hausse depuis l’élection de Trump et plus récemment le Brexit. Cependant, il n’a pas beaucoup de solution à proposer. Pour lui, la nature humaine étant figée, l’éducation, dont il ne parle quasiment jamais, ne l’intéresse apparemment pas beaucoup. Du point de vue économique, il est plutôt mal. Même Marine Lepen a dû renoncer à l’idée de revenir au francs. Mais il oublie volontiers que l’Europe a apporté au continent sa plus longue période de pays. De toute manière, c’est un idéologue, il n’a pas de programme économique.
Progressisme
Le progressiste ne se défend pas immédiatement ainsi. Ce nom lui a plutôt été donné de manière ironique par les populistes. Il englobe tout ce qui reste de la gauche, dont il est la nouvelle synthèse. Egalitariste, écologiste, pro-immigration et pro-Europe, il est universaliste. L’Etat compte moins pour lui que les valeurs morales. Toute personne en difficulté a droit à de l’aide. Le progressiste a depuis longtemps enterré l’égalité objective et juridique pour l’égalité réelle. Ces sources intellectuelles remontent vaguement aux Lumières et surtout au communisme, voir à une certaine forme d’anarchie. Il refuse l’autorité et croit à l’auto-détermination. Il est zadiste à Notre Dame des Landes. Communautariste affiché, il défend les LGBT, les femmes, les étrangers. Il est citoyen du monde, mais déteste également l’évasion fiscale. Il n’obéit à la loi que lorsqu’il la trouve pertinente et défend les immigrés. Il a du cœur, plus que de la raison. Il a des tendances révolutionnaire certaine. Ayant perdu du terrain avec Trump et le Brexit, le Coronavirus et le retour des valeurs « humaines » le remet en selle. Ses intellectuels sont BHL et l’héritage sartrien sur la liberté. Grand adepte des réseaux sociaux, il a su se structurer autour des ONG internationales, comme Sea Shapherd, le mouvement de Greta Thunberg, la fondation Open Society de Soros.

Idéologue lui aussi, il n’en est pas à une contradiction près. Il utilise le chantage victimaire a outrance et utilise point Godwin à toutes les sauces. Sa tolérance morale parfois extrêmement flexible l’a récemment rattrapé sur son omerta portant sur les pédophiles people notoires. Refusant obstinément de regarder les chiffres, il vote pour Hildago qui a pourtant démoli les finances de Paris pour des générations. Un arbre n’a pas de prix! Il ne comprend pas du tout que les subventions à n’en plus finir pour aider les personnes en difficulté, couplés à l’immigration, conduisent à un système qui ne fait qu’enfoncer tout le monde dans la pauvreté. Ce n’est pas grave car pour lui « les riches paieront », quand bien même ceux si ont déjà fuit le pays depuis longtemps. Peu en forme politiquement, il se refait une santé avec la montée des verts et espère beaucoup que le Démocrate Biden remplacera Trump qui est pour lui le mal incarné. il mélange les influences américaines et ses malheureuses racines françaises. D’Amérique, il importe le communautarisme, et un certain libéralisme libertaire, en confondant son anarchisme et la thèse américaine de la régulation totale de la société par le marché. Il a un potentiel totalitaire fort qu’il montre en refusant tout débat à celui qui n’est pas de son bord, en oubliant là aussi, que contrairement aux Etats-Unis, où une liberté d’expression absolue est garantie par la constitution, il existe en France des lois contre l’incitation à la haine et l’antisémitisme.
Pragmatisme!
Les pours et les contre des deux système sont d’une telle évidence que l’on ne peut qu’être consterner face à cette polarisation bien plus destructrice qu’autre chose. Pourquoi ne pas être écologiste sans être soit pour la décroissance, soit pour les projets stupides qui ne font que ruiner EDF sans être rentables, comme les éoliennes? Pourquoi ne pas être pour une immigration contrôlée, lucide sur la capacité et le rythme d’intégration des nouveaux arrivants dans une économie largement dévastée et un pays sur-endetté? Pourquoi ne pas être pour une autre Europe, capable de garantir nos frontières européennes?
Une telle solution, synthétique entre les deux courants, était sans doute l’intuition centriste initiale de Macron. Elle a fait long feu. On ne peut satisfaire aucun des deux quand en jouant au milieu. La somme des mécontents dépasse à chaque fois celle des satisfaits. Macron n’a pas trouvé le personnel politique capable de relayer son positionnement. Ou quand il l’a trouvé, il n’a pas réussi à le conserver, les départs de Bayrou et Colomb ayant signé de manière très anticipée la fin de son quinquennat.
La situation géopolitique, toujours lourde de danger, devrait imposer une réponse structurée, plutôt que devenir les obligés d’Erdogan. Mais ni le populiste, ni le progressiste ne veulent d’une armée européenne. Le populisme ne comprend pas qu’il aurait tout à gagner à devenir, ou devenir Européen. Le progressisme ne comprend pas qu’il vaudrait mieux aider les pays pauvre pour répondre à la détresse de leurs habitants, plutôt que d’organiser le flux migratoire. Et pendant ce temps ce sont toujours les Etats-Unis qui assurent, mais en partie seulement, la sécurité de la zone. Tel est pourtant le jeu politique actuel, qui ressemble a s’y méprendre à un piège mortel pour l’Europe. Si l’opposition progressiste-populiste peut avoir une grande pertinence pour un pays unifié, comme les Etats-Unis, il introduit le doute, la suspicion, l’entropie dans une alliance d’Etats comme l’est l’Europe actuelle. Seule une Commission européenne réaliste sur la souveraineté économique, l’immigration et la sécurité militaire pourrait forcer les Etats et leurs partis à modifier leurs logiciels intérieurs. Est-il possible et réaliste de faire au niveau européen ce que les Etats refusent? Espérons-le, et espérons que cette réaction soit rapide. La mutualisation d’une partie des dettes du Coronavirus et les idées défendues par Thierry Breton, marquant la fin de l’angélisme du libéralisme intégral, vont indéniablement dans la bonne direction. Espérons que le mouvement soit suffisamment rapide. La seule belle tradition commune authentiquement européenne est et reste celle des Lumières / Enlightment / Aufklarung. Il faut y revenir.

Annexes
Les matrices d’analyse de la société ont bien évoluées. Citons quelques grandes distinctions en appui des propos précédents:
-Durant la monarchie françaises, la société était essentiellement composée de trois corps: noblesse, clergé et enfin tiers état, regroupant tout le reste. Le livre de Sieyès, le Tiers état, a brillamment exposé cette thèse dans son pamphlet de 1789.
-Le romantisme contre-révolutionnaire va re-développer le sentiment régional. On pense notamment à la Bretagne des Chouans, à la lutte de la République pour imposer le français « langue de la République », contre ou avec le corse, le breton, le provençal, le basque (etc). L’Alsace et la Lorraine, plus tournées vers l’Allemagne et le protestantisme, ayant un statut encore à part,
-Durant la lente naissance de la République française, le débat se concentre sur le développement le recul du catholicisme et le développement de la bourgeoisie. Le premier mouvement impose la laïcité comme principe de l’Etat, concrétisé par la loi de 1905 de séparation de l’Eglise et de l’Etat. Il est l’héritier direct des Lumières. Le second préfigure la future lutte des classes, entre bourgeois et prolétaire, cher à Marx, à la gauche, au communisme.
-Aux Etat-Unis, les grandes dynamiques sont celles du melting pot, du mélange de toutes les populations venues d’Europe. Cependant, le communautarisme est d’emblée plus présent. Les regroupements existent entre originaires d’un même pays. Les exemples, parfois caricaturaux, ne manquent pas, des policiers irlandais de New York, à la mafia italienne, en passant par la communauté juive, ancêtre de toutes les communautés.
-Les nouvelles revendications sociales portent, on le voit, sur des thèmes très différents: sexe – pour les femmes, sexualité avec les mouvements LGBT, accès à la procréation, couleur de la peau, religion musulmane, auxquels ont pourrait ajouter les immigrés des différentes générations et notamment post coloniales. La différence, comme le souligne très justement Laurent Bouvet, auteur du Péril identitaire, est la thèse partagée par tous ces mouvements de faire partie d’une minorité exploitée par une majorité silencieuse. Le Tiers état et les prolétaires étaient la majorité opprimée. Aujourd’hui ce sont des minorités, représentant parfois seulement quelques pourcents de la population qui revendiquent, non plus l’égalité, mais des lois spécifiquement faites pour eux, pour leur problèmes spécifiques.
Ces différentes grilles d’analyses, dont nous ne rappelons que les principales, se surajoutent les unes aux autres, pour déterminer avec toujours plus de détail l’identité particulière, voire singulière de chacun. Origine, religion, couleur de peau, orientation sexuelle, position sociale, groupe de pression, organisation professionnelle, etc. Elles se surajoutent en démocratie aux autres déterminations de vote politique et de positions socio-économiques.