Le monde d’après – Covid-19 et économie

L’affaire est entendue, le Covid-19 a révélé les failles de presque toutes les grandes démocraties. L’Etat était censé nous protéger. Nous découvrons qu’il n’a même plus de politique sanitaire, de masques, de tests. La production de biens essentiels a été tellement sous-traitée que nous sommes devenus les obligés de nos fournisseurs.

La première et saine réaction a été de brandir haut le drapeau des relocalisations. La réindustrialisation apparaît enfin comme une évidence. Cependant les nuages s’amoncellent déjà au-dessus de ce beau projet. Ce changement de paradigme, que nous n’avons pas su faire quand tout allait moins mal, ne sera pas plus facile maintenant. L’Etat, surtout, regarde déjà ailleurs. Le nécessaire soutien du marché face au pire séisme économique depuis la Seconde Guerre Mondiale entraîne une forme nationalisation rampante de toute l’économie. Les hypothèses de conversion des PGE en capital, ou Equity like (les prêts accordés par les banques et garantie par l’Etat dans le sillage de la BCE) se font de plus en plus pressantes. Ce monde d’après ressemble furieusement au monde de très avant.

C’est ailleurs qu’il faut regarder. Le principale enseignement économique de la crise est la progression des GAFAM et du commerce sur internet. Nike, L’Oréal et tant d’autres ont vu leurs ventes en lignes exploser. Amazon et consorts n’ont quasiment pas soufferts de la crise, à tel point que le Nasdaq recommence à battre record sur record. Pendant ce temps, les magasins physiques et les centres commerciaux font plus que jamais faillites. La crise a accéléré les tendances de l’économie. Mais elle les a aussi modifiées.

Le véritable changement est apparu sur les réseaux sociaux avec l’affaire Floyd. A peine en train de se remettre du choc psychologique du confinement et alors que les valeurs de bienveillance, d’entre-aide, de santé occupaient tout l’espace publique, les terribles images du « meurtre » de George Floyd ont profondément touché une opinion publique occidentale déjà aux prises avec les spectres de la mort. Une réaction en chaîne d’une vitesse et d’une puissance peut-être jamais vue jusqu’ici c’est mise en place.

Un Tweet a mis le feu aux poudres du monde d’après. Trump a tenté comme il le faisait chaque fois jusqu’ici, de surjouer la posture Républicaine du maintien de l’ordre face aux émeutes. Mais ce fut un échec. Pire, un désaveu. Tweeter, son média préféré, a fini par censurer les messages du Président pour apologie de la violence. Ce jour-là, le 29 mai 2020, les réseaux sociaux et les entreprises ont gagné la bataille des idées sur l’Etat. Les gouvernements avaient déjà été incapables d’assurer notre santé. Les voilà désormais capables de nous empêcher de respirer. Trump a fini par signer un projet de modification des règles de la police. La France, très loin d’être directement concernée, a amorcé un virage dans le même sens.

Depuis cette décision de Tweeter, qui était tout de même la veille encore le symbole du gutter internet, l’internet caniveau des passions tristes, les Etats-Unis se déchirent sur le rôle des réseaux sociaux. Marc Zuckerberg, qui a d’abord refusé de censurer le Président fut attaqué de toute part, jusqu’à infléchir sa position. Aujourd’hui de grandes marques mettent la pression sur les réseaux pour les mettre au pas progressiste. Coca-Cola et Unilever suspendent leur manne publicitaire. Nike décrète le Juneteenth, jour de l’abolition de l’esclavage aux Etats-Unis, jour férie pour ses employés. HBO retire Autant en emporte le vent, jugé raciste. Les voix des Simpson seront doublés par des acteurs de l’ethnie correspondante. Les statuts des anciennes gloires sudistes sont attaquées.

David Ricardo, le footballer américain, sponsorisé par Nike, qui défie Trump

Pourquoi ces réactions? Parce que la défense des valeurs de base, de la sécurité à la santé, en passant par les droits individuels, auparavant exclusivement du domaine de l’Etat, bascule un peu plus encore du côté des entreprises. L’Etat a failli, mais pas Big business, qui s’est occupé de ses employés comme jamais auparavant, au moins au niveau du discours. Les grandes entreprises ne veulent pas être prises au piège d’un nouveau Cambridge Analytica, ce scandale de la publicité ciblée organisée par Facebook lors de la précédente présidentielle américaine. En suspendant leurs campagnes de publicité, elles refont une partie de leur marge, tout en pesant sur la campagne. Trump dévisse dans les derniers sondages, à plus de 10 points d’un Biden pourtant peu audible. C’est un Analytica à l’envers, la revanche du Dow Jones sur le Nasdaq. Au même moment, le 27 juin, par l’une de ces conjonction des planètes qui marque les grands basculement, Danone devient la première entreprise « à missions », défendant ses affaires, mais aussi l’environnement et des valeurs sociales, à être cotée en France. 

Dans un monde où la communication sur les réseau sociaux devient le premier générateur de leads (pistes commerciales) et de croissance du chiffre d’affaires, les entreprises vendent toujours plus « de valeurs », de la santé, de la beauté, de la tolérance… La doctrine progressiste, faite de respect de l’environnement, de défense des individus et pour les Etats-Unis, de communautarisme, se marie parfaitement à une production de masse de plus en plus customisée, sponsorisés par des Ambassadeurs, influenceurs, youtubers et autres membres et organisations de la société, dont les followers peuvent faire et défaire les fortunes à coup de clicks. L’achat et la consommation deviennent un acte partisan, en plus d’être impulsif, émotionnel et fonctionnel, et les entreprises privatisent plus que jamais ce valeurs et vertus, naguère qualifiées de politique. Dans le monde d’après, l’entreprise mondialisée appuyée sur les réseaux sociaux privatise la morale, pour le meilleur, et pour le pire.

Gone with the wind

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