Quel est ce mystérieux mal qui ronge notre pays? Pourquoi, alors que le plein emploi est une réalité chez la plupart de nos voisins du nord, Allemagne, Pays-Bas, Luxembourg, Suisse, Norvège, Suède, Finlande, Angleterre, et même aux Etats-Unis, reste-t-il un chômage de masse en France, une plaie profonde au cœur de notre pays, alors même que le déficit continu de gonfler? Et cela alors que nous avons parmi les meilleures écoles de finances et d’ingénierie au monde, l’un des pays les plus beaux et les mieux conservés, et bien d’autre talents encore?
Elements de constat
Il y a bien une exception française que l’on ne saurait cacher sous de beaux arguments. On connaît bien cette cassure de l’Europe en deux, avec d’un côté les pays protestants, et de l’autre les pays restés catholiques. On sait aussi que les protestants sont plus « riches » et que les catholiques restent « pauvres ». Le monde protestants a développé une véritable éthique du travail, que l’on retrouve chez Max Weber, mais aussi et surtout dans la rigueur de ces peuples. Mais on ne fait que rarement, peut être avec pudeur, le lien entre ce décalage économique et la doctrine religieuse sous-jacente. On se borne au constat: catholique / pauvre, protestant / riche.
Alors, pourquoi? Pourquoi en France ne peut-on pas dire du mal des Gilets Jaunes? Pourquoi ne peut-on plus apprendre à lire aux enfants? Pourquoi la CGT tient-elle en otage la SNCF? Pourquoi refusons-nous de regarer la réalité des comptes publics et de la ruine de l’Etat? Et surtout, pourquoi supportons-nous collectivement ce cancer généralisé qu’est le chômage et la pauvreté?
Pourtant nous mettons toutes les « chances » de notre côté. L’éducation nationale est l’une des plus grosse administration au monde. Les transfert sociaux atteignent des montants inégalés. La dette défie l’entendement, à plus de 2400 milliards au moment où nous écrivons cet article. Et malgré tout cela, nous faisons toujours moins bien. Malgré cela qui plus est, le discours social ne s’arrête jamais. Le peuple demande toujours plus aux élites, quand bien même il n’y aurait pas d’argent pour tout cela. Les dirigeants, démagogues comme imposé par leur métier, demandent toujours plus d’argent pour les « pauvres », les « démunis », etc. Certains (comme Mélenchon) sont allés jusqu’à dire que la dette n’existait pas. Et ce n’est pas une anecdote.
Face à cette débauche de moyens, entraînant toujours plus d’échecs, nous ne pouvons que rester pantois. Force est de constater également le manque de véritable changement de politique malgré l’alternance entre la droite et la gauche. Que nous ayons eu Juppé ou Jospin comme premier ministre, qu’est-ce qui a changé réellement en terme politique? Rien, ou si peu. La droite, ou l’ancienne droite, du RPR à LR, tient de beaux discours quand elle est dans l’opposition. Mais une fois aux affaires, elle se comporte comme la gauche. Les budgets augmentent, la dette gonfle. Rien ne change.
Si l’on accepte que tout se joue au niveau du discours, des thèses, et pas principalement au niveau des chiffres, que voyons-nous? Ce qui est dénoncé à longueur d’articles de droite, c’est la « bien pensance » de gauche. Ce qui est dénoncé à longueur d’article de gauche, c’est la « classe » dominante et le discours d’asservissement de la droite. Entre les deux, l’argent, passe de l’un à l’autre.
UN discours commun sous-jacent
Dans tous les cas, droite, gauche, et même extrême droite et extrême gauche comprise, il y a un discours commun qui irrigue l’ensemble de la société française. L’extrême gauche déteste les élites, veut tout pour le « peuple », mais refuse également que le « peuple » prenne ses propres responsabilités. Il n’a jamais tort, mais c’est un peuple d’assister. Il finit par ne plus être peuple, mais souverain, tant tout doit être fait pour lui et la puissance publique doit le servir sans jamais faillir.
La gauche veut également le respect des différences, c’est la tolérance sociale, on dit parfois sociétale. Les principaux vecteurs de ce discours sont la défense des LGBT, des femmes seules, et dans une certaine mesure, des étrangers ou émigrés. A droite, le discours n’est finalement pas si différent. La droite traditionnelle défend la famille traditionnelle, la famille nombreuse. Elle accepte l’impôt et la redistribution. Elle a la culture de l’entre-aide, de la charité chrétienne. Le côté « business » n’est pas si développé. C’est plutôt l’axe puissance qui prédomine: l’armée, les grandes entreprises, la place dans le monde. Mais l »argent… finalement pas tellement. La droite taxe autant que la gauche, crée autant d’impôt, et quand la dette existe, elle ne fait pas marche arrière.
Quand à l’extrême droite, qui se prétend si différent, et bien il ne diffère absolument pas à la règle. Quand l’a-t-on entendu parlé d’argent? Jamais, au grand jamais… A-t-il attaqué la politique sociale? Pas tant que cela, et de moins en moins au fur et à mesure qu’il se rapproche du pouvoir. Ce qu’il combat surtout, c’est l’indépendance de la « nation », hors de l’Europe, on aurait presque envie de dire en dehors du monde. Et cette indépendance va jusqu’au refus de l’autre: haine des étrangers, haine des immigrés, haine des différence. C’est le partie de l’homogène, de l’identité sèche. La famille traditionnelle, l’Etat traditionnel, la discipline, la même nation, éventuellement la même sexualité et la même couleur de peau. Evidemment, la raison, l’histoire, et pour la plupart d’entre-nous le cœur seul, nous montrent non seulement l’absurdité mais aussi l’impossibilité radicale de cette position. Ce n’est pas ici cependant notre sujet. Si l’on regarde en-dessous de cette thèse haineuse, il y a également une forme de solidarité, d’entre-aide. C’est le côté positif de la « nation », l’idée que tout le monde forme une grande famille. Et dans une famille, tout le monde doit s’aider. Ce sont ceux qui sont hors de la famille qui n’ont pas le droit à l’aide et doivent être expulsés. Evidemment, cette dynamique finit mal. Tout le monde finit sous la menace de l’expulsion du groupe et pour légitimer son appartenance entre dans une surenchère d’obéissance aux maîtres et règles, et de gestion des expulsions diverses et variées.
Donc, dans tous les partis, le pauvre, le faible, est d’une manière ou l’autre au centre des « émotions considérées comme positives ». C’est là que se joue le principe même de la politique française. Rappelons cette grande phrase, sans doute l’une des plus célèbres de la politique française: « Vous n’avez pas le monopole du cœur » réponde Valérie Giscard d’Estaing à Mitterrand le 10 mai 1974, pendant l’entre-deux tours des élections présidentielles. Le « coeur », tel est bien le problème central.
Le cœur a ses raisons
Notre pays est à la fois celui de Descartes, et celui que Descartes a fui pour rejoindre les Pays-Bas, et dans lequel la phrase de Pascal, se très fervent catholique, continue de résonner: « le cœur a ses raisons, que la raison ignore ». La question de l’Amour, au pays de l’amour courtois, de la quête du Graal, de Tristan er Iseult, de Stendhal et de tant d’autres, est forcément une question centrale. La France est le pays de l’Amour. Et cette tradition de l’Amour lui vient directement de son statut de fille aînée de l’Eglise, et d’être dépositaire d’une certaine compréhension de la parole du Christ, « Aimez-vous les uns les autres ». Cette tradition a beaucoup apporté, c’est l’évidence même, et continue à irriguer notre corps sociale. Luc Ferry, notre plus grand penseur actuel, ne s’y est pas trompé, qui a consacré une large partie de son oeuvre et de ces travaux à cette question: naissance du mariage d’amour et de la famille moderne – dont on trouve les racines chez Molière- question de l’Amour et de la mort, jusqu’à faire de l’Amour le principe même de sa philosophie.
Qui pourrait contester l’ « Amour »? Ne dit-on pas que même le grand Homère, notre père-poète, avait perdu la vue pour en avoir dit du mal? Qu’objecter à celui qui nous prendrait en défaut de ne pas aimer correctement? Celui qui ne compatit pas, qui n’a pas d’empathie, n’aurait pas de cœur, et ne serait pas véritablement humain. Ce ne serait donc pas la raison qui définirait l’homme.
Je suis le mal aimé….
L’Amour, l’Amour… répéter les mots en boucle ne suffit cependant pas à en faire une définition. Le sujet est si vaste qu’il faudrait sans doute plusieurs tomes pour en venir à bout. Du Banquet de Platon, aux divagations savantes de Kierkegaard, de l’amour philosophique de Spinoza, à l’amour, poison violent pour Gainsbourg, tout et son inverse a sans doute été dit sur la question.
Tentons malgré tout une synthèse, aussi rapide que parcellaire. L’amour est un lien sentimentale qui nous unit aux autres. Tout lien positif aux autres peut être caractérisé comme de l’Amour. Il est la passion de l’union, le nom générique de tout ce qui rapproche. Tandis que la haine, est la passion de la séparation, de la guerre, du conflit. L’Amour est donc la passion sociale par excellence, qui conduit ces sentiments de l’empathie et de la sympathie défendue par Rousseau, Adam Smith et d’autres. La haine attaque notre individualité: que serions-nous sans amour? Sans famille, amis, collègues, enfants, sans rien ni personne? Assurément, nous ne serions pas grand chose.
L’amour, mais lequel?
Il va pourtant bien falloir poser cette question. La droite défend l’amour des enfants et de la famille. La gauche défend les autres amours, LGBT, mère célibataire, etc. Sans qu’aucun des deux parties ne nie l’importance de l’amour défendu par l’autre. Nous voyons cependant qu’il y a possibilité de différentes formes d’amour. Pourquoi une forme d’amour devrait-elle prévaloir sur une autre? Mais surtout, car à la question précédente, il n’y a pas de réponse, jusqu’où doivent aller l’amour et la bienveillance? Faut-il condamner le criminel? Ou tendre l’autre joue? Faut-il punir l’enfant? Faut-il même tout s’autoriser à soi-même pour l’amour de soi? Ou s’arrête l’amour et ou commence l’égoïsme? Comment les deux doivent-ils s’articuler?
En mettant l’Amour au principe de tout, on espère mettre le rapport aux autres, l’intersubjectivité, au dessus de tout. Le seul sujet individuel et rationnel est balayé. La raison même n’a plus beaucoup de place. L’idée est belle. Mais elle est peut être trop belle. Luc Ferry est assez formel: l’amour des enfants est aujourd’hui, comme hier sans doute, la seule chose pour laquelle nous serions prêts à donner notre vie. Nous mettons la vie de nos enfants au-dessus de la nôtre. Le sacrifice donne le sacré. Le sacré, ce qui nous dépasse, est finalement ce qui donne du sens à notre vie. C’est beau. Ce n’est pas faux. On ne pourrait pas le contester sans passer pour le dernier des salauds, et rappelons-le, la doxa, l’opinion commune est une source de la morale, y compris pour un géant de la pensée comme Aristote. Mais est-ce exacte? Tant pis pour ceux qui détestent leurs enfants. Mais même pour ceux qui les aiment, comment déduisent-ils de ce principe l’éducation quotidienne qu’ils doivent donner à leurs enfants? Dois-je laisser faire et laissez passer? Ou dois-je enseigner la discipline la plus stricte? Le principe vole haut dans le ciel des idées, et ne fourni par de solution, de guide pour la vie de tous les jours.
Les « sauvageons »
L’expression a été utilisée en 1990 par l’ancien ministre de l’intérieur de gauche, Jean-Pierre Chevènement. Elle désigne pèle-mêle les jeunes délinquants, les enfants-rois, les adolescents mal élevés, les cohortes qui vont à l’école, mais qui restent incultes, puisqu’on a renoncé à toute exigence scolaire. L’expression pointe un certain délabrement moral du pays, visible à travers sa jeunesse. Il n’en fallait pas plus pour déclencher un tollé dans les médias, Libération en tête. Comment? On ose insulter les pauvres, les défavorisés, ceux qui n’ont déjà rien? Il faut au contraire les aider, à coup de subvention, de plan banlieues, d’emplois aidés, de diplômes faciles à obtenir.
Cet exemple nous montre comment l’Amour seul, non guidé, peut dérailler. Bien entendu, la majeur partie des parents de ceux qu’on appelle les « sauvageons » aime leurs enfants. Mais est-ce un bon amour? C’est authentique. Cela part d’une bonne volonté. Quel est le résultat? La mère finit par craquer et hurler sur ses enfants désobéissants. Elle les punit sans rime ni raison. Parfois, plus rarement, c’est le père. Et loin d’apprendre de ces erreurs, et de constater ce cycle infernal dans lequel elle s’enferme, véritable cercle de l’enfer, loin d’amender sa conduite, elle recommence. Et c’est la névrose qui s’installe. Cela-même que nous pouvons regarder Super Nannie tenter de guérir toutes les semaines à la télévision.
Et quand il va à l’école, qu’arrive-t-il à cette chère tête blonde? Rien ou si peu. On lui apprend à peine à lire et à compter. On lui explique qu’il vit dans un monde de dys, de différents, et qu’il faut s’y adapter. S’il a le malheur d’être plus intelligent que ses petits camarades, d’aller plus vite, de savoir déjà lire, on ne s’occupera plus de lui, comme s’il valait moins que les autres. Et que disent les enseignants pour justifier la dégringolade des résultats dans les classements internationaux? C’est la faute… des familles! Ben voyons! Ce n’est pas complètement faux, nous venons de le voir. Mais c’est totalement paradoxal. Car en même temps, l’éducation nationale tient exactement le même discours que les parents: elle refuse toute « violence éducative ». L’enfant doit apprendre par lui-même, devenir l’acteur de son éducation et de la découverte du savoir, selon le discours, ou la doxa, des pédagogistes.
Le problème de la charité
Non, tous les amours ne se valent pas. Jésus nous a laissé assez démunis dans la compréhension de sa parole. « Tu aimeras ton prochain comme toi-même» Evangile de Saint Marc, citant Lévitique 19:18. Nous mettons l’autre au même rang que nous même, l’égoïsme n’est pas permis. « Ne résistez pas au mal ; mais si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l’autre » dans l’Evangile selon Saint Mathhieu », nous devons aimer nos bourreaux mêmes, car ils sont également créature de Dieu. Le sacrifié devient ainsi magnifique, comme les premiers chrétiens mourant dans l’arène. Il force l’admiration, comme celle de Saint Adrien, ce général romain qui préféra partager le sort des chrétiens qu’il avait l’ordre de massacrer, subjugué par leur abnégation. On ne peut pas toucher aux sacrifiés de la terre. « Les derniers seront les premiers ».
Mais la Bible, sans Jésus, va plus loin. « Deus caritas est », Première Épître de Jean. L’amour de Dieu envers lui-même et partant la forme la plus chrétienne de l’amour est la charité. Le catholicisme nous enjoint d’aider les pauvres. L’idée est magnifique. Elle sous-tend toute la politique de redistribution sociale, le droit d’asile, l’accueil, l’hospitalité. Malheureusement, il semble bien que la charité soit devenu trop puissante. Son corollaire devient la victime. Pour être charitable, il faut bien une personne dans le besoin. Comme dans le célèbre triangle psychologique, le Sauveur crée en partie la Victime. La doctrine universalisé de la Charité devient créatrice de pauvre.

La mécanique émotionnelle va encore plus loin que ne l’avait imaginé Nietzsche dans sa généalogie de la morale. Nietzsche dénonçait la religion catholique comme une religion mettant le faible au dessus du puissant. En agissant ainsi, disait-il, la religion est devenu nihiliste. Elle nie la force des forts et donc la force de la vie elle-même. La solution est dans la restauration de valeurs « aristocratiques ». Mais Nietzsche n’avait pas imaginé que le système de la charité irait si loin dans la création même des pauvres et des faibles. Car le principe est en partie créateur de la réalité.
La dévalorisation de l’argent
Autre corollaire de ce qui est devenu une valorisation certainement excessive de la pauvreté. « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer au royaume de Dieu. » Luc (18:25). La richesse ne compte pas, car la valeur majeure est la charité. Jésus renverse effectivement et consciemment les valeurs: au royaume de dieu les premiers seront les derniers et les derniers seront les premiers. Le catholicisme dévalorise l’argent. Mais s’il n’y a pas de riches, qui pourra être charitable? En dehors de Dieu, il ne reste que l’Eglise et l’Etat. Le peuple français attend ainsi de son gouvernement qu’il fasse des miracles et fasse ruisseler l’argent d’on ne sait où.
La culture des Misérables
Après la Révolution française, et en opposition aux Lumières qui l’ont portée est apparu le romantisme. Contestant la Révolution, ce courant à pris tant de formes qu’il est difficile d’en faire une synthèse. En France deux grands auteurs sont les symboles de deux versions du romantisme: Chateaubriand et Victor Hugo.
Chateaubriand défend la monarchie perdu en la réinventant. Dans les Mémoires d’Outre-tombe, Chateaubriand décrit une noblesse idéale. Il pose le personnage du noble de province, ou de campagne, opposé à la noblesse des courtisans de la ville. C’est l’attachement à la terre et aux racines contre le citadin, presque déjà le cosmopolite. Il décrit un noblesse pauvre, – mais qui bien sûr conserve ses châteaux- et prenant à cœur son rôle social. Le noble est le maire, l’ami du curé, le recours des pauvres. En synthèse il réhabilite la monarchie en défendant l’idée que le noble de province était rarement riche, mais qu’il était à la hauteur de son titre pour aider les plus démunis que lui. Cette définition est en tout point celle de la charité mise en acte socialement.

En réponse, et cette fois dans le camp de la République, Victor Hugo défend une autre vision de la lutte contre la pauvreté. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’y va pas avec le dos de la cuillère: « C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches ». Ou encore « Détruire la misère ! oui, cela est possible. Les législateurs et les gouvernants doivent y songer sans cesse ; car, en pareille matière, tant que le possible n’est pas fait, le devoir n’est pas rempli. »
Et enfin: « Je ne suis pas, messieurs, de ceux qui croient qu’on peut supprimer la souffrance en ce monde, la souffrance est une loi divine, mais je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu’on peut détruire la misère. Remarquez-le bien, messieurs, je ne dis pas diminuer, amoindrir, limiter, circonscrire, je dis détruire. La misère est une maladie du corps social comme la lèpre était une maladie du corps humain ; la misère peut disparaître comme la lèpre a disparu. »

Victor Hugo va redonner à la République et à l’Etat, c’est-à-dire au peuple, le soin de s’occuper de la misère. Il rappelle avec raison que la Révolution française est née d’une grande misère sociale.
La puissance des mythes
A travers cet exemple, nous voyons toute la puissance du mythe en l’occurrence catholique, dans la construction émotionnelle d’un peuple. Et nous en voyons également les inévitables limites. La parole du Christ rompt avec le discours de culpabilité juif pour lui remplacer une parole d’amour. Il rompt également avec les polythéismes et les discours de gloire et de conquête, semblable à ce titre à Homère dans l’Odyssée qui nous donne une vision du bonheur différente, celle de l’homme cultivant son champ.
Le discours fondateur introduit une dynamique de rapport entre les classes sociales. L’esclavage n’est pas un problème quand la guerre est sans cesse valorisé. L’homme est un butin presque comme un autre. Mais il devient intolérable dans un discours d’Amour. La culpabilité et la punition sont nécessaires dans une culture de la Loi. Mais les mœurs sont adoucis, peut-être même un peu trop, quand la charité et la défense du pauvre deviennent les valeurs suprêmes.
Le régime politique a changé, mais pas les valeurs qui sous-tendent la constitution de la société. Si nous voulons changer la dynamique de nos démocraties, c’est ce discours qu’il faut modifier. Et nous ne pourrons pas directement revenir à l’idée de Progrès de la Révolution, ni transformer facilement des catholiques en protestants. Et ce n’est pas seulement ce discours, mais les autres qui l’accompagnent, et que nous détailler dans les autres parties de cette étude, qu’il faut tenter de modifier.