Green Lantern et la couleur des émotions

Hal Jordan est un ancien pilote de l’armée de l’air passé dans le privé. Il est beau. Il est doué. Et pourtant, il continue à vivre comme un adolescent. Il n’a pas de relation stable, son appartement ne ressemble pas à grand chose. Il ne le sait pas encore, mais il est le candidat idéal pour devenir un héros.

Hal participe à un test pour l’armée de l’air. Il doit, avec son avion à l’ancienne, défier les Sabres, un nouveau type d’avion entièrement automatique. L’homme contre la machine. Hal comprend vite qu’il n’a qu’une seule solution s’il veut battre ces nouveaux ennemis: briser les règles. Les Sabres sont des machines. Ils ne peuvent pas opérer à l’extérieur d’un certain programme. Ils ne peuvent pas improviser. Hal va casser les codes de l’engagement aérien et dépasser le plafond d’altitude supposément autorisé. Il franchit la limite. Les Sabres sont vaincus. Notre champion est prêt.

Le passé, cause du destin?

Soudain pourtant, le pilote chevronné perd le contrôle de son appareil. L’équipe au sol pense qu’il va s’écraser. Hal n’a pas de problème physique. Son appareil fonctionne parfaitement. Ce sont ses émotions qui lui jouent des tours. Il pense à son père, lui-même pilote de chasse, mais malheureusement mort en crashant son jet. Hal connaîtra-t-il le même destin funeste? Il se reprend et « sort de la mort comme l’on sort d’un songe ». Hal atterrit finalement sans encombre. Le doute sur ses capacités et sa maturité reste entier.

Un univers binaire en Vert et Jaune

C’est alors que l’Univers prend en main le destin de Hal. Il en a de la chance! L’un des membres du Green Lantern Corps, le corps des gardiens de la galaxie, Abin Sur, décède brutalement et s’écrase sur terre après avoir été attaqué par Paralax, l’un des ennemis les plus puissants des Green Lantern. L’anneau magique d’Abin Sur, signe de son appartenance au Corps, quitte alors de lui-même son ancien porteur et choisit Hal comme nouveau gardien. Le réel cède la place au fantastique.

L’univers des Green Lantern est simple comme celui de la conquête de l’Ouest. D’un côté, les Green Lantern, gentils, forcément. Comme leur nom l’indique, ils aiment le vert et les lanternes. Le vert est la couleur de la volonté, de l’espoir, de la vie. Ils luttent contre le jaune, qui est la couleur de la peur, de la mort et de la destruction. Paralax, le méchant qui fait littéralement régner la terreur, est un ancien gardien des Green lantern, retourné contre son corps d’origine et désormais porteur
de l’anneau jaune. Il fait fait régner la peur à travers l’univers.

Le pouvoir des émotions

Hal va se rendre compte rapidement qu’il ne suffit pas de porter l’anneau pour savoir s’en servir. Il faut apprendre à en maîtriser le pouvoir. Il faut en être digne. L’anneau contient le pouvoir de la volonté, récolter et concentré par les Gardiens. Grâce à l’anneau, ce à quoi pense son porteur se matérialise. Oui, il suffit de penser à quelque chose pour qu’elle existe! Les Green Lanterns sont encore plus forts que les Jedi.

Mais pour cela, il faut remplir une condition. Il faut une volonté pure et bonne. Les constructions matérielles sont aussi solides que la volonté qui leur a donné naissance. Pas plus, pas moins. Les Green Lantern, c’est un peu le rêve moral des Stoïciens et Kant, devenu réalité.

« De tout ce qu’il est possible de concevoir dans le monde, et même en général hors du monde, il n’est rien qui puisse sans restriction être tenu pour bon, si ce n’est seulement une bonne volonté. »

La force de la volonté est l’essence de la réussite. Si la volonté flanche, où n’est pas suffisamment déterminée, la construction matérielle s’écroule.

Raccourci magnifique. Pas besoin de mise en oeuvre, de moyens, de buts, d’outils, d’aide, de financement bancaire ou de business plan! Il suffit de penser et hop, on crée! « Je veux donc je fais ». Second caractère magique: on crée à hauteur de la puissance de sa volonté. La pensée est liée à la matière et cette connexion dépend de la qualité de la pensée.

Cependant, le Vert n’est pas la seule couleur du cosmos. Le Jaune est là et tisse sa toile. Il lui suffit d’inspirer la plus petite parcelle de peur chez son adversaire pour en absorber toute l’énergie et le réduire à néant. Si le Vert permet la matérialisation, le Jaune permet de lire les pensées des autres, selon une extension de la paranoïa. Il peut aussi manipuler les objets à distances, et sentir la peur chez les autres.

Devenir un héros

« La volonté est l’énergie la plus grande qui soit dans l’univers. »

Green Lantern

Le destin de Hal est clair. Il doit prendre possession de sa bonne volonté et lutter pour extirper toute peur hors de lui, purifier son intention. Ainsi ses constructions seront solides. Ainsi il gagnera la fille de son cœur. Mais Hal doute. Il hésite. Il est sujet à une sorte de complexe de l’imposteur et ne se sent pas digne du serment des Green Lantern.

« In brightest day, in blackest night,
No evil shall escape my sight
Let those who worship evil’s might,
Beware my power…Green Lantern’s light! « 

L’intention précède l’action

On croit généralement que l’action est d’une certaine manière émotionnellement pure et neutre. Il suffirait de se donner un but, puis de construire un chemin permettant d’y arriver. Le but serait simplement le résultat d’un calcul, d’un penchant naturel, d’un appétit pour l’argent, l’art, la cuisine, les vêtements, l’enseignement ou tout autre objet réunissant la double condition de nous plaire et de faire l’objet d’un commerce. L’action serait gouvernée par la cause finale: ce que l’on souhaite réaliser.

Green Lantern nous offre une vision différente. La forme et la puissance de l’action ne dépendent pas uniquement d’un calcul rationnel ou d’un penchant naturel. L’action est orientée par l’intention que nous y mettons. Hal ne parvient pas à purifier cette intention. Ses constructions sont faibles et pathétiques. Il doute. De quoi?

De lui-même bien sûr. Sa confiance en lui-même est sapée par la mort tragique de son père, qui était aussi pilote de chasse et qui s’est écrasé avec son jet. Hal est lui-même toujours à la limite du point de rupture, au bord du crash. Hal s’est construit par rapport à son modèle, et comme lui, il vacille. L’intention, la volonté, c’est en grande partie la projection sur l’action de l’estime que nous avons pour nous-mêmes. Pour devenir un Green Lantern, c’est-à-dire un homme, un futur mari et père, Hal doit surmonter sa peur et dépasser ses comportements d’auto-sabotage.

Les comics vont assez loin dans cette illustration du lien entre la passion et de l’action.

Hulk, qui utilise aussi le vert, est évidemment construit sur le même schéma. L’émotion primaire qui l’habite est la colère. Il est vert de rage. Il peut s’agir de la colère née d’une injustice, ou juste de la colère pure. L’émotion est une cause de l’action, et produit l’action correspondante à l’émotion. La colère casse tout. C’est une émotion qui littéralement ne fait rien d’autre que casser. La peur, de la même manière, empêche le mouvement et draine l’énergie vitale. L’espoir au contraire, permet de surmonter les difficultés et, en tout cas espérons-le, de sortir des identifications négatives pour agir pour le mieux. D’une manière assez magique, ce que nous projetons dans l’action finit par arriver. C’est ainsi que très souvent, la peur produit son objet et nous conduit, telle une prophétie auto-réalisatrice, exactement à ce dont nous avions peur.

« A la racine de l’existence, l’esprit et la matière se rencontrent. Les pensées façonnent la réalité » Docteur Strange