Telle est la question que se pose tous les fans. Et voici la réponse !
La Force flamboyante
Pour toute une génération, celle de la première trilogie de la Guerre des Etoiles, la Force était un guide et Luke Skywalker un héros. Une nouvelle religion du Bien avait vu le jour grâce à la saga galactique. Il n’était pas impossible aux fans de rêver pouvoir devenir un Jedi. Luke se battait contre la tyrannie de l’Empire. La restauration de la Démocratie supposait une certaine égalité entre les hommes et toutes les autres créatures, vivant de Coruscant à la Bordure extérieure de l’Univers. Dans toutes les cours de récréation du monde, les enfants déployaient d’immenses efforts de concentration. En le voulant assez fort, c’était certains, il serait possible de prendre le contrôle de la matière et de déplacer les objets à distance. C’était beau. C’était avant la chute du mur de Berlin. Il y avait le camp du Bien et celui du Mal.
Les midichloriens
Tout a changé le 13 octobre 1999. 16 ans jour pour jour après la sortie du Retour du Jedi. Tous les fans s’attendaient à retrouver le souffle épique et spirituel de la première Trilogie. Tous pensaient découvrir de nouveaux secrets concernant la Force et pouvoir reprendre leur formation, laissée en jachère depuis leur dernier entraînement réalisé avec Yoda, dans les marais de Dagobah.
Las, le retour à la réalité fut cruel. Plus aucune chance n’était laissée à la pensée magique.
Lorsqu’il découvre Anakin, Qui-Gon Jinn, le maître d’Obi-Wan Kenobi, fait une prise de sang à l’enfant. Il note une concentration anormale de midichloriens, « comme si les midichloriens eux-mêmes avaient créé Anakin ». Cette révélation biologique fit déchoir la Force de son trône. Elle n’était plus un pouvoir venant du Bien lui-même, une conséquence de la sainteté morale et la pureté du coeur. Le contrôle de la Force est devenu un phénomène biologique, déterminé par la plus ou moins grande concentration de « midichloriens », une nouvelle particule créée uniquement en ce but, dans le sang. Les Jedis, comme les Siths, sont devenus une espèce à part, inaccessible aux autres hommes, une race aristocratique. Horribles surhommes galactiques ! Tous nos rêves d’enfant furent détruits d’un seul coup. Le mur de Berlin était tombé 10 ans plus tôt, en novembre 1989. Il n’y avait plus de camps du Bien et du Mal. Il ne restait plus que les grands capitalistes et les autres. La galaxie de Star Wars devint en cela atroce. La joie de retrouver les héros de notre enfance se mêlait au goût âpre de la perte des illusions de nos belles âmes de 10 ans. A quoi bon poursuivre des idéaux et tenter de devenir meilleurs ? Certains hommes valent plus que d’autres par nature et naissance, et non, aucun humain n’accédera jamais au contrôle de la Force.
Space tragedy
La scène inaugurale de la seconde trilogie, où l’on apprend que les midichloriens expliquent les dons du jeune Anakin, renvoie à l’une des dernière scènes du triptyque, celle de l’Opéra. Pendant que le conseil des Jedis se demande si Anakin est l’Elu, le « Choosen one » de leur tradition, celui qui doit ramener l’Equilibre dans la Force et tout l’Univers, un autre personnage connaît tout de la naissance d’Anakin. L’Empereur Palpatine, alias Darth Sidious, à la fois maître de l’Univers et maître du côté Obscur de la Force, va tout révéler à celui dont il veut faire son disciple.
La scène est magnifique. George Lucas semble avoir tenté de recréer la musique des sphères chère à l’école pythagoricienne. Pour le père des mathématiques grecques, les planètes émettent chacune une note de la gamme et tout l’univers résonne de l’harmonie céleste, du chant des sphères parcourant tels des dieux musiciens le ciel éthéré.
Dans ce décor cosmique, Palpatine relate à Anakine la légende de Darth Plagueis the Wise, le plus puissant et le plus sage de tous les Seigneurs Siths. Darth Plagueis est le seul maître de la Force à avoir conquis la mort. Il pouvait créer la vie directement à partir des midichloriens et ramener à la vie les trépassés. Malheureusement pour lui, après avoir enseigné ses découvertes à son apprenti, il fut tué par celui-ci dans son sommeil. Le Sith est un loup pour le Sith.
Anakin succombe à cette promesse de vie éternelle. Il croit trouver là un moyen de sauver Padmé de la mort qu’il lui pressent, rejouant le thème éternel de l’amour et de la mort. Sidious est clair avec lui: pour apprendre ce pouvoir, il faut renoncer à être un Jedi. Anakin ne veut pas reproduire l’erreur qu’il a faite en laissant mourir sa mère, alors qu’il avait clairement vu son terrible avenir dans ses visions. C’est à ce moment que Palpatine finit de le convertir au côté Obscur et en fait son nouvel apprenti.
Mais Anakin, sans doute sans en être conscient, et quoique cette possibilité ne soit jamais exposée de manière explicite, succombe sans doute à des forces encore plus puissantes. Ce que lui révèle Palpatine est en fait le secret de sa propre naissance. Darth Plagueis, le seul Sith à manier les midichloriens, est selon toute vraisemblance le créateur d’Anakin, son véritable père. Palpatine, Lord Sidious de son nom Sith, était le disciple du génial Plagueis et c’est lui qui l’a supprimé pendant son sommeil. La chronologie correspond à peu près, Palpatine n’ayant sans doute pas plus de trente ou quarante ans de plus qu’Anakin. L’Elu succombe ainsi au meurtrier de son père et en devient l’esclave, maintenant autant que possible le lien familial, fusse au prix de l’acceptation du meurtre et la soumission au meurtrier.
Thèse alternative
La thèse selon laquelle Darth Plagueis serait le père d’Anakin n’est cependant pas la thèse officielle. En 2012 est sorti, en roman de l’univers étendu, l’opus Darth Plagueis. Ce roman raconte comment Palpatine, alors sénateur de Naboo, rencontre Darth Plagueis, devient son disciple, puis le tue après avoir reçu son enseignement. Il narre également les expériences de Darth Plagueis, de son vrai nom Hego Damask, avec les midichloriens. Mais selon ce livre, Plagueis n’est pas directement le père d’Anakin. Anakin est une réaction de la Force, une création de la Force elle-même, pour équilibrer les expériences contre-nature du Seigneur Sith. Cette thèse n’est pas 100% opérante, comme la suite de la vie de Darth Vador, sa rédemption, le montre amplement.
Le combat qui n’aura pas lieu
Tout fan qui se respecte se demande qui est le plus fort, Plagueis ou Yoda ? Hélas, nous ne le saurons jamais. Plagueis meurt autour de la période de la Menace Phantom. Il est vaincu par son apprenti, tué dans son sommeil, en traître. Il ne serait pas très cohérent d’imaginer un duel entre eux. S’il l’avait combattu, Yoda aurait connu bien plus rapidement tout le complot se tramant pour renverser la République. Il faut faire son deuil de cette confrontation. Plagueis aura battu Yoda en en restant à jamais inconnu du maître Jedi.
Le côté obscur du côté Obscur
Ainsi Anakin devient le jouet consentant du meurtrier de son père, père qu’il n’a pas connu. Il ne reconnaît pas le meurtrier comme tel, et cette allégeance lui reste inconsciente. Anakin croit ainsi pouvoir sauver l’amour de sa vie, mais il en précipite la mort, réalisant la première partie de son funeste destin. Padmé meurt, abandonnée par la force vitale et le désir de vivre. Personne ne peut vivre sans amour et Anakin lui a brisé le coeur (« You broke my hearth »). Obi-Wan ampute son ancien apprenti de la quasi totalité de ses membres et Anakin devient un cyborg. « Oui mon Maître » devient son leitmotiv. Il faudra attendre l’arrivée de Luke pour le délivrer de son esclavage masochiste.
La rédemption de Darth Vador
Le véritable génie de la série s’exprime dans le dernier film, le Retour du Jedi. Le titre désigne le retour d’Anakin, par-delà Darth Vador et non l’accession de Luke au rang de Jedi. C’est Anakin qui revient et qui accomplit la seconde partie de son destin, en repassant du côté obscur au côté lumineux de la Force. Il est, défend George Lucas, possible de revenir du Mal. Cette libération se fait elle-même en deux moments décisifs.
Je suis ton père
La première partie de la libération de Darth Vador a lieu quand il énonce l’une des phrases les plus célèbres de toute l’histoire du cinéma « I am your father ». Vador reconnaît Luke comme son fils. La célèbre phrase dans sa version complète est « L’empereur n’a pas tué ton père, je suis ton père. » Luke, qui pensait suivre sur la voie d’une vengeance familiale légitime refuse cette filiation « Nooooo !! ». Il ne peut pas être le fils du diable.
Darth Vador assume sa paternité. S’il était un salaud totalement corrompu, il ne le ferait pas. La contre-partie de « je suis ton père » est « tu es mon fils ». Luke n’a pas d’autres choix que d’accepter. Il le reconnaît rapidement et s’adresse désormais au seigneur Sith en l’appelant père, « father ». Anakin commence à retrouver sa filiation, par sa descendance. Il peut ainsi, à travers son fils, retrouver l’amour qu’il avait pour sa mère, Padmé. De son côté, Luke, fidèle aux valeurs apprises auprès d’Obi-Wan et de Yoda, heureux sans doute d’avoir retrouvé son père qui n’est finalement pas mort, ne tuera pas le père. Il n’est pas Oedipe. Il s’oppose à lui politiquement, mais il a compris qu’en le reconnaissant, Darth Vador a déjà renoncé à le tuer. « Vous ne m’avez pas tué jusqu’ici. Je ne pense pas que vous le ferez maintenant » lui dit-il quand il se laisse capturer, précipitant le dénouement du Retour du Jedi.
Non, non !!!
Le second moment de la libération d’Anakin intervient quand Darth Vador décide de sauver son fils des griffes de l’Empereur. Luke est en train de mourir, sous les assauts de Sidious. Darth Vador hésite. Il regarde alternativement l’un, puis l’autre, le fils, puis le maître. Luke l’appelle à l’aide « Père, pitié ». Sidious le condamne. « Tu vas mourir, jeune Jedi ». Vador s’écrie alors « No! No! », à voix haute. Il refuse la mort de son fils. Il répond à l’appel du nom de père. Vador empoigne l’Empereur et le jette dans un puits sans fond. Le sorcier retourne dans son royaume souterrain et invisible. Le père sauve le fils et se sauve ainsi. L’histoire pourrait s’arrêter là, dans ce magnifique retournement vers la lumière. Le père trouve son salut en sauvant ses enfants et en préservant l’héritage de son amour.
Cependant, si nous suivons notre interprétation, Vador fait bien plus que cela en tuant l’Empereur. Il venge également son père, tué par Sidious, et se libère de sa culpabilité. Il peut redevenir Anakin, malgré tous ses forfaits, parce qu’il rétablit, autant que possible, la totalité de la chaîne des générations, en renouant cette fois avec son ascendant. L’esclave a tué le maître, le cercle du sado-masochisme, de ceux qui vont toujours par deux, le maître et l’apprenti, et jamais plus, est brisé. Le masochiste s’est vengé du sadique qui le tenait en esclavage en brouillant les pistes de sa naissance et a repris en main son histoire familiale et son destin.
La thèse des midichloriens n’est pas forcément du goût de tous. C’est un détour concret et biologique donné à la magie de la Force, qui n’était peut-être pas nécessaire. Anakin aurait pu être le fils de la Force sans que cela ne nécessite d’être confirmé par un test sanguin. Imagine-t-on Jésus ou Moïse soumis à un test ADN ? Cependant, cela ne change pas le fond de cette histoire familiale, mythifiée et divinisée, qui place Star Wars parmi les plus grands mythes.