Platon – Euthydème, ou le disputeur… et surtout de l’enseignement de la vertu

Prologue

Criton demande à Socrate avec qui il était en train de discuter. C’était avec Euthydème et Dionysodore, tous deux maîtres dans l’art de la dispute et de la joute verbale. Socrate envisage de suivre leur cours, lui qui a son grand âge suit déjà des cours de cithare avec des enfants. Il propose à Criton de suivre les cours avec lui et ses enfants. Criton lui demande d’abord en quoi consiste cet art. Socrate lui raconte alors la rencontre.

Il allait se lever et partir de l’endroit où il était, quand son signal divin (τὸ δαιμόνιον to daimonion, le démon) lui intime de rester. Juste après entre toute une compagnie avec Euthydème et Dionysodore et d’autres encore, dont Clinias. Socrate présente les deux interlocuteurs à Clinias. Ce sont deux savants militaires qui connaissent aussi bien la direction des armées, la tactique et les formes de combat. Ils sont aussi capable d’enseigner comme se défendre devant les tribunaux quand on subit un tort. Les deux amis expliquent cependant qu’ils ne s’occupent plus de cela, mais d’enseigner la vertu, mission encore plus belle. Et ils prétendent le faire mieux et plus vite que n’importe qui. Ils sont venus pour faire une démonstration de leur savoir.

Nous n’avons pas beaucoup d’information historique sur Euthydème et Dionysodore. Ils étaient deux sophistes et sont aussi cités par Xénophon. Le Clinias du dialogue n’a sans doute pas existé non plus. Criton est l’un des amis de Socrate. Il donne son nom au dialogue éponyme faisant partie des dialogues sur la mort de Socrate. Il est souvent considéré comme le mécène de Socrate, s’assurant de sa survie matérielle.

Le sous-titre, le disputeur, est ajouté par la tradition. Le nom grec est ἐριστική, eristikḗ , l’éristique, l’art de la dispute, ou l’art de la contradiction, qui n’a rien à voir avec l’euristique, un néologisme moderne qui signifie l’art de la découverte. L’éristique est aussi différente de l’exégèse, le commentaire de texte, qui vise la compréhension, l’herméneutique, l’interprétation, utilisé par Socrate pour par parler de l’interprétation du comédien ou de l’aède (Ion) quand il récite le texte d’un auteur comme Homère et qui vise l’émotion communiquée du poète au spectateur. Ce n’est pas non plus la rhétorique, l’art oratoire des sophistes, qui vise la persuasion et l’orientation de la décision. Nous voyons que Socrate continue son analyse des différents types de discours.

A qui enseigner la vertu: à celui qui est convaincu de la nécessité de l’apprendre, ou aussi à celui qui ne pense pas que ce soit une chose qui s’enseigne?

Socrate demande aux deux sophistes si c’est la même discipline qui va enseigner la vertu (ἀρετή, aretḗ) et convaincre que c’est une chose qui s’enseigne. Il leur demande de commencer par démontrer qu’il s’agit du même savoir. Il s’agit aussi de montrer le bon exemple au jeune Clinias.

La vertu serait de l’ordre d’un savoir, alors que persuader ou convaincre qu’il faut apprendre la vertu serait un savoir différent. Il y aurait le savoir du savant, et une ouverture pour le savoir convaincre, qui serait le discours, l’art propre du sophiste. Cela permettrait aussi d’orienter l’art de persuader vers quelque chose de beau et utile, à savoir la vertu, et non pas seulement cette obsession des sophistes, à savoir gagner des procès. Il y a aussi une autre question qui apparaît en creux: pourquoi faudrait-il convaincre d’apprendre la vertu? N’est-ce pas évident? Et si une personne n’est pas convaincue de l’intérêt de la vertu, y-a-t-il un chemin permettant de le convaincre de l’intérêt de la vertu?

Euthydème accepte et commence. Qui apprend, ceux qui savent ou les ignorants? Clinias répond qu’il s’agit de ceux qui savent. Mais les professeurs enseignent à ceux qui apprennent. Et lorsqu’ils apprennent, ils ne savent pas encore. De sorte que ce sont les ignares qui apprennent et non les gens qui savent comme le pensais Clinias. Euthydème, acclamé par les autres, reprend l’autre partie de la question. Dionysodore parle à l’oreille de Socrate et lui explique que toutes leurs réponses sont de cet ordre et qu’ainsi on ne peut pas y échapper. Euthydème continue à humilier Critias. Ceux qui apprennent le font sur ce qu’ils ne connaissent pas. Mais pourtant pour apprendre on utilise des lettres que l’on connaît déjà. Donc, paradoxe, on n’apprend rien, puisqu’on sait déjà! Dionysodore poursuit. C’est donc ceux qui ne possèdent pas le savoir qui apprennent.

Au-delà du côté rhétorique des échanges, Euthydème soulève un vrai problème. Comment apprendre ce que l’on ne connaît pas? Comment passe-t-on de l’ignorance à la connaissance? Soit on sait, soit on ne sait pas. Mais tout apprentissage réel suppose de passé d’un état à l’autre, et ce passage est difficile à comprendre. C’est le paradoxe que Socrate détaillera dans le Ménon, où il expliquera que le savoir est un ressouvenir, une réminiscence.

Socrate vient à l’aide de Clinias et lui dit que tout ceci n’est qu’un jeux pour l’initier à la sophistiques, comme on initie aux mystères. Pour se sortir de ces tours, il faut comme le recommande Prodicos, un autre sophiste, commencer par bien définir les termes, comme apprendre, comprendre, et savoir, sans quoi on peut être pris dans des tours, en usant des différents sens des mots. En apprenant, celui qui n’avait pas de connaissance au début en a bien une ensuite. Une fois que l’on a appris et que l’on réfléchit à nouveau à ce que l’on sait, on progresse en compréhension, ce qui n’est pas tout à fait la même chose que l’apprentissage initial. Le mot apprendre n’a pas le même sens quand on l’applique à celui qui ne sait rien, ou à celui qui sait déjà quelque chose, étant entendu que l’on parle du même sujet, de la même matière, dans les deux cas. Les sophistes se sont joués de Clinias de cette manière, en jouant sur les homonymes (Aristote mettra les homonymes au tout début de son traité sur la Réfutation des sophistes). Socrate les rappelle maintenant à tenir leur promesse et à revenir à la question de l’enseignement de la vertu selon l’art exhortatif, pour persuader d’apprendre la vertu.

Il y a une rivalité entre Socrate et les sophistes pour savoir qui l’emportera et qui Clinias va suivre. Nous voyons aussi que les sophistes n’ont pas répondu à la question de savoir si celui qui connaît la vertu sait aussi comment éveiller l’intérêt pour la vertu.

Socrate donne un exemple du type de discours qu’il attend en prenant la question du bonheur (εὐδαιμονία, eudaimonía, qui a donné eudémonisme, la doctrine du bonheur). Tout le monde, universellement cherche le bonheur. C’est tellement vrai qu’il est quasiment ridicule de demander à quelqu’un s’il veut être heureux. Comment faire pour être heureux, maintenant? Si nous disons que c’est en possédant un grand nombre de biens, il n’y a pas là non plus matière à débat. Les biens eux-mêmes sont généralement connus. Il y a la richesse, la santé, la beauté et autres avantages du corps. Etre juste, vaillant, et posséder le savoir sont aussi importants. Clinias est d’accord avec tous ces éléments. Les éléments de la définition du bonheur seront tous repris par Aristote dans l’Ethique à Nicomaque, qui ajoutera la liberté financière. Il manque encore un élément pour Socrate, celui d’avoir de la chance, « la bonne chance » la bonne fortune (τύχη, tyché, chance, sort, fortune..). Mais celui qui a de la chance est aussi celui qui s’y connaît le mieux dans le domaine concerné. Le pilote de navire a plus de chance de survivre à la tempête que celui dont ce n’est pas le métier. Le savoir partout augmente les chances de réussite dans l’action. Quand le savoir est présent, comme le savoir ne manque jamais son but, la chance n’est plus nécessaire. Socrate passe du destin, du sort, du hasard, à la connaissance. Le savoir est présenté comme quelque chose qui augmente les probabilités de faire les choses correctement, ou de vivre heureux. La relation est très discutable. Aristote dira que la vertu est un bouclier contre le sort, qu’elle protège de tout. Mais tout un chacun reste à tout moment soumis aux caprices du destin. La limite entre le sort et ce qui dépend de nous n’est pas aussi claire, et pas forcément aussi simplement inversement proportionnelle.

Sur cette base, Socrate réexamine les éléments du bonheur. Avoir des biens fait partie du bonheur, mais il faut que ce soient des biens utiles et non pas n’importe quels biens. Et seul le savoir peut nous dire de quels biens il s’agit, lesquels sont utiles et lesquels ne sont pas utiles. D’ailleurs il ne sert à rien non plus d’accumuler sans utiliser. Le bonheur est de posséder les choses bonnes et de bien les utiliser. Toute utilisation correcte, comme celle de ses outils par le charpentier est un savoir. A tout bien réfléchir, l’intelligence et le savoir sont les premiers des biens qui mènent vers le bonheur. La pensée doit accompagner toute possession et tout activité. Celui qui n’a pas le savoir commet des fautes et donc ajoute du malheur. Rien ne lui est véritablement utile, puisque tout peut lui nuire. En fait, tout ce qui a été appelé bien auparavant n’est ni un bien ni en mal en tant que tel, ils ne le sont que s’ils sont utiles ou inutiles, de sorte que le bien est le savoir et le mal est l’ignorance.

Si la Félicité est dans le savoir, tout le monde devrait chercher à devenir plus savant. Devenir sage doit guider nos pas et nos choix, y compris quand nous cherchons un professeur capable de nous y aider. Nous supposons en faisant cela que la sagesse s’enseigne, et non qu’elle est due au hasard. Clinias pense que la sagesse s’enseigne. Il est donc nécessaire de pratiquer l’amour de la sagesse, la philosophie. Socrate termine en demandant au deux sophistes de reprendre la question de savoir quelle connaissance il faut acquérir de cette manière et d’exhorter Clinias a s’exercer à la sagesse et à la vertu.

Socrate a fait un long détour pour revenir à la question de la vertu. Il a fait une description du bonheur assez complète. Notons que pour lui, être sage et intelligent est nécessaire pour savoir correctement gérer ses biens. Mais il dit aussi ailleurs que penser est le but de la vie. « Une vie sans examen ne vaut pas la peine d’être vécue ». Aristote dira que la vie théorétique, intellectuelle, est le meilleur genre de vie possible, correspondant à ce qu’il y a de meilleur en l’homme, l’intellect. Cependant, les liens entre vertu, sagesse, intelligence, ne sont pas complètement explicités. Il s’agit surtout de montrer l’importance de la vertu pour arriver ou rester dans un état heureux, donc d’une exhortation à chercher la sagesse en montrant à quoi elle peut servir, ce qui rempli la condition initialement posée.

Dionysodore demande à Socrate de confirmer que sa demande d’exhorter à la sagesse est sérieuse ou juste pour rire. Socrate confirme qu’il est sérieux. Il s’agit de faire de Clinias un sage. Pour cela il devra abandonner ce qu’il est maintenant pour devenir autre chose. Mais alors, il devrait périr! On voit que le disputeur joue à nouveau sur l’impossibilité de passer d’un état à l’autre. Euthydème ajoute que le non réel, ce qui n’existe nulle part, ne peut pas avoir d’effet sur le réel et le faire exister. Les choses sont ce qu’elles sont, de manière fixiste. Le faux n’existe pas et n’est pas réel, donc Dionysodore ne peut pas dire quelque chose de faux. Nous entrons dans la thèse la plus importante du dialogue, sur ce que nous pouvons dire et ne pouvons pas dire.

Ctèsippe n’est pas d’accord, il est possible de ne pas dire la vérité. Il faut être un homme accompli pour dire comment les choses se comportent. Les sophistes lui objectent donc que les gens de bien parlent mal de tout ce qui est mal. Ctèsippe ne tombe pas dans leur piège, et leur fait remarquer que l’on ne parle pas froidement des choses froides. Il est pour lui tout à fait absurde de dire que l’on souhaite faire disparaître ceux que l’on aime parce que l’on souhaite les rendre plus sage.

On ne parle pas d’une chose en adoptant la manière dont elle est. Cela n’a pas de sens de transposer la qualité de la chose et d’en faire une qualité du discours. On peut bien parler du mal, ou mal parler du mal. Il n’y a pas de nécessité de continuité ou d’assimilation, comme le présente le sophiste, de la même manière qu’il n’y avait pas rupture fondamentale entre deux manières d’être Mai cela pose la question du lien entre l’être et le langage qui le dit. Quand on dit que la glace est froide, on attribue une qualité, le froid, à la glace. L’attibution est faite sur la base d’une certaine expérience faite au contact de la glace. Mais une fois cette expérience transposée dans le langage, il reste un lien entre un sujet et un prédicat, qui est le lien entre une chose, un étant et une qualité, un prédicat. Mais dans le langage lui-même, il y a un lien entre un sujet et un attribut, un adjectif. L’expérience est comme transposée dans le langage. Quelles sont les liaisons valables et permettant de passer de l’expérience au langage, et permettant de dire que ce qui est dit dans le langage est correct? C’est aussi la question qui est posée et qui sera reprise dans le Cratyle.

Socrate intervient. S’il existe un moyen de faire disparaître les gens malhonnêtes et déraisonnables et de les remplacer, et même mieux de les faire réapparaître en hommes honnêtes et raisonnables, il faut laisser les sophistes nous expliquer comment faire et exposer leur découverte. Socrate est prêt à prendre le risque. C’est évidemment un piège, une figure de l’ironie socratique, puisque pour Socrate, les sophistes sont eux-mêmes des gens déraisonnables. Si les sophistes savaient répondre à cette question, ils se convertiraient eux-mêmes! Cette ouverture de Socrate nous ramène à la question initiale, à savoir comment devenir vertueux quand on ne l’est pas, et qu’on ne se rend même pas compte que l’on ne l’est pas. Les sophistes prétendent enseigner la vertu, mais ils ne sont pas vertueux eux-mêmes. C’est une tartufferie. Le Tartuffe de Molière prétend enseigner la vertu chrétienne, mais il n’en suit absolument pas les préceptes à titre personnel.

Dionysodore revient sur la question de l’adéquation du langage et de la réalité. Il reprend la thèse de Protagoras selon laquelle on ne peut en fait rien dire sur ce qui n’existe pas, et que l’on ne peut parler que de ce qui est. Il en déduit qu’il n’y a jamais vraiment d’objection dans le débat, car les thèses portent sur des objets différents et non sur la même réalité. Car en effet, sur une même réalité on ne peut dire ce qu’elle est et ce qu’elle n’est pas, puisque jamais on ne peut parler de ce qui n’est pas.

La thèse exacte de Protagoras est que l’on ne peut rien dire du non être, une thèse également étudiée dans le Parménide et le Sophiste. Pour Protagoras, on ne peut rien dire du non-être, puisqu’il est néant total. Même l’appeler néant n’est pas correcte. Il en résulte apparemment que tout ce que l’on dit porte sur de l’être. Donc quoiqu’on dise, en conclue rapidement nos sophistes, c’est vrai d’une certaine manière, cela correspond toujours à de l’être. Cela pose le problème du statut d’être des paroles mensongères, comme vu dans l’Hippias mineur, ou encore des paroles imaginées des poètes. Ce problème sera aussi repris dans le Sophiste, où Socrate posera un type d’être nouveau dans sa doctrine, qui n’est ni le non-être, ni l’être en tant que tel, mais qui renvoie à la possibilité de dire ce qui n’est pas, tout en étant possible, et sans être le néant. La parole peut ainsi dire l’être, le faux, le mensonge, l’erreur, ce qui n’est plus, dans le souvenir, ce qui n’est pas encore. Le lien entre la parole, le logos, et l’être est bien plus complexe que ne le suppose les sophistes du dialogue. Le lien entre le logos et la vérité redouble ce questionnement. A quelles conditions la parole peut-elle est dite vraie? Comme toujours, il faut considérer que ce texte est un support de cours, fait pour faire réfléchir les apprentis philosophes.

Socrate prétend que cette thèse est contradictoire. Selon la thèse, il est impossible de dire faux. Toute parole est vraie, ou il est impossible de parler et il n’y a pas d’énonciation. Il serait ainsi impossible de juger faux, de se tromper. L’ignorance, a supposer qu’elle soit une forme de fausseté, n’existerait pas. Elle serait une forme de non-être. Mais nous voyons tous les jours des hommes dans l’ignorance. Si toute fausseté est impossible, on ne se tromperait jamais de chemin. Si tout cela est vrai, comment les sophistes peuvent-ils prétendre être les maîtres d’un quelconque enseignement? Ils n’auraient en effet rien à enseigner.

Dionysodore reprend le questionnement. Ce qui a du sens est dit tel parce qu’il possède une âme. Les êtres inanimés ne possèdent pas d’âme et n’ont pas de sens (διάνοια, dianoia, l’intelligence discursive). Une phrase qui est inanimée n’a donc pas de sens. Socrate soutient au contraire que les phrases ont du sens. Puis il redemande aux sophistes de redevenir sérieux et de révéler les secrets de leur art. En effet, si la parole n’a pas de sens, il n’est pas besoin de parler du tout, et donc pas besoin de sophiste. L’erreur logique est d’attribuer le sens uniquement à l’âme, alors que c’est la personne qui entend les paroles qui leur donne du sens, et que ce sens est d’ailleurs l’objet de discussion. Il n’est pas faux de dire que le sens est dans l’âme, mais il faut ajouter dans l’âme qui pense en utilisant des mots, qui fait des propositions, émet des jugements, pose des questions, etc, dans le logos.

Socrate donne un nouvel un exemple du type de discours qu’il attend d’eux. Il reprend au point où il s’était arrêté, quand il défendait l’idée qu’il faut pratiquer l’amour de la sagesse (la philosophie). Cet amour consiste en l’acquisition d’une connaissance qui vaut sans réserve la peine d’être recherchée, qui sera utile au plus haut point. Tout l’or du monde ne vaut rien si l’on ne sait pas quoi en faire. Aucune connaissance ne sert si l’on ne sait pas quoi faire de ce qu’elle produit, pas plus l’art des affaires que la médecine. Même une connaissance qui nous rendrait immortelle ne servirait à rien si nous ne savons que faire de l’immortalité. Ce que nous cherchons est une connaissance qui à la fois produise un effet et la connaissance de l’utilisation de cet effet. Ce n’est pas une connaissance comme celle de la fabrication d’une lyre, parce qu’elle diffère de la connaissance ou de l’art de jouer de la lyre.

Cette connaissance serait-elle l’art de faire des discours (la rhétorique) ? Clinias ne le pense pas. Les producteurs de discours ne savent pas plus s’en servir que les fabricants de lyre ne savent en jouer. Et ceux qui savent utiliser les discours ne savent pas les produire. Pourtant pour Socrate, l’art de faire des discours est une partie de l’art des incantations (ἐπῳδή, epōdḗ), qui ont pour effet de soumettre à un charme les serpents, tarentules et autres animaux du même type, tandis que l’at du discours produit son effet sur les juges, les membres des Assemblées, la foule, et les apaise. La comparaison n’est pas très flatteuse et nous donne une fois de plus une idée de ce que pense exactement Socrate de la démocratie athénienne et de ceux qui se laissent convaincre par les discours des sophistes. Plus étonnant est cette distinction entre les producteurs de discours et les utilisateurs de discours. Une interprétation possible est de considérer que les sophistes sont des producteurs de discours. Ils font les discours sans se soucier de leur impact. Et de l’autre il y a ceux qui utilisent des discours pour façonner les jeunes, les conduire à la vertu, comme Socrate lui-même. Ceux-là utilisent les discours. Il en va des discours comme d’un objet technique, comme d’un couteau, qui peut être utilisé à bon ou mauvais escient. Le sophistes connaissent l’art de convaincre, quelque soit le contenu du discours. C’est une bonne définition de la rhétorique.

L’art du général ne rendra pas plus heureux, car c’est un art de faire la chasse aux hommes. Or le chasseur ne sait pas utiliser sa proie. Il la remet aux cuisiniers. Le général remet ses conquêtes aux hommes d’Etat. Idem pour tous les mathématiciens qui sont en chasse des calculs, mais qui confient leurs découvertes aux dialecticiens, car ils ne savent pas quoi en faire. Il ne reste plus que l’art d’administrer l’Etat, l’art royal, puisqu’il est le seul à savoir quelle fin il faut donner aux choses pour la mettre dans la bonne direction. La politique est l’art architectonique, qui organise tous les autres arts. Il est assez rare que Socrate donne cette définition, qui est celle d’Aristote dans la Politique.

Mais que réalise-t-il en propre en même temps? Il doit nous être utile et il doit nous transmettre quelque chose. Et seule la connaissance est réellement utile et n’est qu’un bien. L’art cherché doit nous rendre heureux et est utile. Il a l’obligation de rendre sage les citoyens et de les faire participer à la connaissance. Est-ce que l’art royal réalise cela? Est-ce lui qui rend une personne cordonnier en lui apprenant la cordonnerie, et ainsi de tous les arts? Non. La connaissance que nous cherchons est celle qui rend les hommes bons. Mais bon à quoi? Nous ne le trouvons pas, pas plus que ne nous l’a indiqué l’art politique. Socrate demande alors aux sophistes de l’aider à trouver de quel art il s’agit.

Il s’agit évidemment de la philosophie, qui se positionne comme supérieure à l’art politique même.

Euthydème demande à Socrate si cette connaissance qu’il cherche, il doit l’enseigner à Socrate ou lui montrer qu’il la possède déjà. Socrate lui demande de lui montrer qu’il la possède déjà, ce qui est plus facile que d’apprendre. Il y a des choses que Socrate sait, et sous ce rapport il est savant, et des choses qu’il ne sait pas, et sous ce rapport il est non-savant. Il est donc savant et non-savant à la fois. C’est impossible, car il est impossible d’être et de ne pas être à la fois. Le sophiste retombe dans ses tours, sur la base des paradoxes de l’être et du non être. Le savoir n’est pas un absolu. Il se décompose en plusieurs savoirs.

Socrate n’est pas d’accord, parce que le savoir est limité et pas général. Ce n’est pas parce qu’on connaît une chose que l’on est savant sur tout. Les deux sophistes maintiennent qu’en sachant une chose nous les savons toutes, et qu’il en est ainsi pour tout le monde. Soit l’on sait, et l’on est savant, soit l’on ne sait rien, et l’on n’est pas savant. Il n’y a pas de degré dans l’être. Ctésippe leur demande de prouver ce qu’ils avancent. Dionysodore peut-il dire combien de dents a Euthymène, et Euthydème combien en à Dyonysodore? L’exemple n’est pas pris au hasard, c’est un savoir d’expérience, qui nécessite d’avoir été éprouvé. Ce n’est pas le résultat d’un calcul mathématique qui peut être effectué quand on connaît les mathématiques. Un savoir d’expérience nécessite une expérience, justement, et ne peut pas avoir été toujours connu. Les deux sophistes ne répondent pas précisément et continuent à dire qu’ils savent tout, de tout temps, même quand ils étaient enfants. Ils savent danser, faire des sauts périlleux. Rien n’échappe à leur connaissance.

Euthydème reprend le questionnement. On est savant grâce à la chose qui nous permet d’être savant. Socrate demande si l’on parle bien de l’âme. Le sophiste est mécontent de la réponse de Socrate, qui l’empêche de jouer sur les mots. Socrate accepte de répondre qu’il sait ce qu’il sait grâce à quelque chose, et que pour tout savoir, c’est toujours grâce à la même chose. Et le sophiste d’en conclure, puisque l’on connaît tout grâce à la même chose, que l’on connaît absolument tout, puisque la chose qui connaît, justement connaît. Le sophiste mélange la partie et le tout. A vrai dire ces tours de sophistes n’ont pas beaucoup d’autre intérêt que celui du divertissement. Ils ressemblent à des tours de magie peu sophistiqués.

Socrate demande alors comment il est possible de connaître une chose comme « les gens de biens sont injustes ». Dionysodore répond que cela ne s’apprend nulle part, mais Eutydhème le reprend, car cette affirmation détruit leur argument. Socrate lui réplique que Dionysodore dit la vérité, puisqu’il sait tout, selon leur réalité. Socrate donne l’exemple d’une phrase contradictoire, une erreur, qui selon le discours posant l’équivalence entre tout logos et la réalité, ne devrait pas être possible. Là, il ne s’agit pas d’une expérience en lien avec l’expérience, mais d’une contradiction interne au jugement. On peut émettre un jugement qui viole la logique, et c’est bien la définition de l’erreur.

Les deux sophistes partent sur un nouvel argument, celui d’être père. Un père est toujours père et ne peut pas en même temps être non-père. Ctèsippe s’élève contre l’absurdité des conclusions des sophistes sur ce sujet puisque soit un père est père de tout l’univers, soit personne n’est père. L’erreur est dans la généralisation d’une expérience particulière, ou entre le tout et la partie, mais aussi dans la confusion entre le dieu, qui pourrait être dit père de toute l’humanité et un père au sens humain ou animal, qui ne peut être père que de ces descendants.

Les deux sophistes repartent sur un autre argument. Il faut en toutes circonstances posséder le plus de bien possible, en tout lieu et en tout temps. Donc il faut avoir de l’or dans la tête comme dans le ventre. Nouvel argument: ce que nous voyons peut nous voir. Ctèsippe voit des vêtements, donc les vêtements le voient également. Autre astuce: il ne peut y avoir parole et silence en même temps. Et pourtant on peut parler des choses silencieuses, comme les pierres ou le fer. Puis Dionysodore questionne Socrate sur ce qu’il trouve beau. Socrate répond qu’il peut voir une chose belle, mais qu’il ne voit pas la beauté elle-même. Le beau est beau, et le laid est laid. Le même est le même, et l’autre est autre. Dionysodore ne répond pas, il part sur une autre finesse. Si le métier du forgeron est de forger, il doit se forger lui-même, tandis que le cuisinier doit se cuisiner lui-même. Il continue en comparant la possession des animaux et celles de dieux. Socrate a des animaux, qu’il peut vendre ou pas. Socrate a des dieux, mais pourtant, il ne peut pas les donner ou les vendre! Les erreurs logiques s’accumulent dans les exemples. Les sophistes passent de la chose à la parole, du particulier au général, de la partie au tout, de l’acte à la création, de l’agent au patient, etc, montrant autant de catégories à respecter pour établir un discours correct.

Socrate se rend au talent des sophistes et conclut en énonçant les trois points suivants: les sophistes ne s’intéressent à aucun autre homme, quelques soient leurs réputations ou leurs talents. Seuls les autres sophistes les intéressent. C’est logique selon leur pensée continuiste. Secondement, tout en soutenant que le beau, le bon, le bien, le blanc, ni aucune des réalités de ce genre n’existe, ils parviennent à renverser tous les autres arguments, mais cela renverse également leurs propres arguments. Enfin, ils ont bien raison d’enseigner leurs tours uniquement personne par personne et non à toute une foule, car tout cela s’apprend très vite et ils ne pourraient pas gagner d’argent s’ils révélaient cet art à tout le monde.

Epilogue

Socrate termine son récit en précisant à Criton que tout le monde peut suivre l’enseignement de ces deux sophistes, quelque soit son âge et ses occupations. Mais Criton préfère apprendre à améliorer son argumentation qu’apprendre à confondre les autres de cette manière. Criton raconte à son tour qu’après la fin du dialogue, il a été approché par un orateur, maître dans la composition des discours, pensant que Socrate s’était ridiculisé à parler avec des sophistes qui ne s’intéressent de toute manière pas au contenu de leurs paroles. Il allait plus loin et trouvait la philosophie ridicule. Ces gens sont, pour Prodicos, à la limite entre politique et philosophie. Socrate pense que sans la philosophie au contraire, il n’y aurait plus moyen d’arrêter les sophistes. C’est aussi pour cela que les sophistes attaquent en permanence les philosophes et la philosophie, qu’ils voient comme une ennemi. Leur discours, entre philosophie et politique, repose plus sur de la vraisemblance (τὸ εἰκὸς, to eikós, probable, plausible, qui peut être cru – Aristote utilisera le même terme dans la Poétique pour qualifier les récits des poètes,) que de la vérité. La vraisemblance sert à désigner toutes les erreurs logiques des sophistes, comme des poètes. Cela questionne et donne un nouveau statut d’être de la parole qui persuade. Criton revient sur l’éducation de ses enfants. Il ne sait pas comment exhorter son plus jeune enfant à l’amour de la philosophie. Il suffit lui répond Socrate, de conserver le cap, quelques soient par ailleurs les professeurs.

Ce dialogue est assez bigarré. Il expose les vues de Socrate sur la place de la philosophie dans la recherche du bonheur, et sa supériorité y compris sur la politique, dans l’organisation finales des biens. La question de la ressemblance de la recherche du bonheur et du bien de la Cité, ou simplement de la pensée de la politique est posée. Dans les deux disciplines, il s’agit de penser les fins des biens, le but de l’action et de la vie, et les fins ultimes, celles qui organisent les différents actes, pour toutes les fins. Aristote dira du bonheur qu’il est la fin de toutes les fins, le but de toute cause finale (au tout début de l’Ethique à Nicomaque), et de la politique qu’elle est l’art devant organiser tous les arts (au début de la Politique).

Autre thème central du dialogue, l’exposition des trucs, des tours, des sophistes pour contrer leurs adversaires, fait penser au dernier tome de l’Organon d’Aristote, qui porte sur les Réfutations sophistiques. Mais le texte d’Aristote est bien plus sophistiqué (c’est le cas de le dire…). Il y a cependant, nous semble-t-il, une thèse supplémentaire dans cette exposition. Les formes rhétoriques utilisées par les sophistes sont aussi, du point de vue littéraire, des figures de styles, couramment utilisées dans la littérature. La source de l’erreur des sophistes est d’utiliser les figures de la littérature dans un discours rationnel, qui lui doit reposer sur des règles logiques. La persuation des sophistes vient donc de cet usage détourné des outils de la littérature. Cest formes stylistiques, en créant une certaine confusion dans la raison, autant qu’en répondant à l’étonnement et à l’imagination, produise de la persuasion. La persusation n’est donc pas de la même chose que la conviction rationnelle, qui repose principalement sur le principe de non contradiction.

Ces figures de style et le raisonnement philosophique qui leur est opposé, reposent sur des conceptions différentes de l’Etre et de la manière de le dire. La racine de la confusion littéraire est directement dans la pensée que tout ce qui est dit est de l’être, parce qu’il n’y a que le non être qui ne puisse absolument pas être dit. Personne n’aura sans doute été aussi loin dans une ontologie du mensonge et de l’erreur que Socrate. Le menteur ne fait pas la différence entre les types d’être et d’étant, entre la réalité, la réflexion, et le seul fait de dire, et le discours littéraire. Pourquoi et pouvons-nous changer cela ?

Telle est finalement l’interrogation philosophique la plus profonde du dialogue. peut-on convaincre une personne non vertueuse de chercher la vertu? Ce qui résonne dans le texte en: peut-on réussir à ouvrir les yeux de tous les hommes sur le différents niveaux d’être auquels nous sommes confrontés et en tirer les conséquences sur leur manière de vivre et notamment de traiter le mensonge ? Il y a un cercle dans cette question, parce que celui qui cherche la vertu est toujours déjà convaincu de son importance, et donc il est déjà, en un sens, vertueux. Alors que le salaud, le méchant qui ne cherche pas la vertu, s’en fiche complètement. Il ne voit pas du tout l’intérêt d’une telle recherche et donc ne l’entreprendra pas, comme les deux sophistes du dialogue, qui ne cherchent que le pouvoir. Comment passe-t-on du mal au bien, du non vertueux à la vertu, fondamentalement, dans le désir qu’on en a? Comment reconnaît-on que la vertu est quelque chose qui nous manque? Non pas quand on voit chez ses enfants qu’ils ne la possèdent pas, comme Criton et d’autres à travers les dialogues, mais qui manque à soi-même ? La question, cruciale, reste ouverte. On voit que les sophistes ne se rendent absolument pas compte de cette question, alors même qu’ils prétendent enseigner la vertu. Cela rend le problème d’autant plus complexe. La réponse de Socrate, peut-être une clé de tout son enseignement, est d’éduquer la jeunesse à la vertu. Après, il est peut-être trop tard.

Annexe – la liste des erreurs

Voici une synthèse des principales erreurs logiques (sophismes) commises par Euthydème et Dionysodore dans l’Euthydème de Platon, chacune tou­jours tirée du texte grec avec sa traduction, la erreur et la forme rhétorique correspondante :

1. Équivoque sur “apprendre”

Texte grec (275d–278d) :

Τίς τις γινώσκει, ὁ σοφὸς ἢ ὁ ἀμαθής;
« Le sage ou l’ignorant apprend-il ? »

Traduction :
« Which one learns, the wise man or the ignorant? »

Erreur : Même mot (gignōskei) employé pour « connaître » et « apprendre », confondant deux significations.

Forme : Équivoque verbale (équivoque sur gignōskei).

2. “Il n’y a pas d’erreur” → “il n’y a jamais de contradiction” → “il est impossible de mentir”

Texte grec (284a–286b) :

Οὐκ ἐστὶν ἀντίλεξις· οὐδέποτε λέγει τις τὸ ψεῦδος…

Traduction :
« Il n’y a aucune contradiction … et jamais on ne dit le faux… »

Erreur : Généralisation abusive : absence de antilexis (contradiction logique) ≠ impossibilité de l’erreur ou du mensonge.

Forme : Fausse généralisation, non sequitur, et équivoque sur opposition être/ne pas être.

3. Verbe équivoque sur “penser” vs “dire”

Texte grec (287d) :

νόειν peut signifier “penser” ou “exprimer”

Traduction :
Equivocal use of noein (“to think” or “to mean/say”)

Erreur : Confusion entre penser et dire.

Forme : Équivoque sur un verbe, rendant le raisonnement invalide.

4. “Ce qui a un sens est vivant, donc les paroles ne peuvent avoir de sens…”

Texte grec (284c–d) :

Τὰ ἔχοντα αἴσθησιν ζῇ· οὐδὲν ἔστιν ᾧ οὐκ ἔστιν ψυχὴ…

Traduction :
« What has sense is alive… and nothing lacks soul… so words — which aren’t alive — cannot have meaning…»

Erreur : Confondre posséder “sens” au sens de perception avec sens/intention linguistique.

Forme : Fausse analogie / équivoque sur “sense” (αἴσθησις).

5. “Si on sait une chose, on sait tout”

Texte grec (293b) : Εἰ ἓν οἶδας, πάντα οἶδας.

Traduction :
« If you know one thing, you know everything. »

Erreur : Saut non justifié du particulier → général, sans preuve.

Forme : Généralisation hâtive, saut de généralisation indûment large.

6. “Si tu es père, tu es le père de tout ce qui est engendré”

Texte grec (295b) : Εἰ πατήρ εἶ, πάντων ὁ πατήρ.

Traduction :
« If you are a father, then you are the father of everything that is fathered. »

Erreur : Confusion d’un prédicat attribué individuellement avec une propriété universelle.

Forme : Fausse syllogistique partitive, sophisme de composition (à dicto ad dictum simpliciter).

7. Absence de contradiction = impossibilité du mensonge

Texte grec (286b) : οὐκ ἐστὶν ἀντίλεξις

Traduction :
« There is no opposition/contradiction. »

Erreur : Confondre incohérence logique avec mensonge, car on peut mentir sans contradiction formelle.

Forme : Non sequitur & fausse équivalence.

📌 Résumé comparatif

#SophismeForme rhétoriqueTexte grec exemple
1Équivoque verbaleéquivoqueσοφός/ἀμαθής – gignōskei
2Fausse généralisationnon sequiturοὐκ ἐστὶν ἀντίλεξις …
3Équivoque sur verbeéquivoquenoein penser/dire
4Fausse analogieéquivoqueαἴσθησις ≠ λόγος
5Généralisation hâtivegénéralisationεἰ ἓν οἶδας…
6Sophisme de compositionà dicto simpliciterεἰ πατήρ εἶ…
7Non sequiturfausse équivalenceμηδ’ ἀντίλεξιν…

Ces exemples montrent que Platon anticipe la classification formelle des sophismes (qu’Aristote traitera dans ses Sophistici Elenchi), mais préfère les exposer par l’absurde et l’humour dans l’épreuve dialectique avec les deux frères.

Si tu veux, je peux te fournir la pagination exacte dans l’édition grecque, ou ajouter d’autres cas similaires du dialogue !

Annexe 2 – la liste des erreurs et leur correspondance en une liste de figures de rhétorique

Voici des figures de style correspondant aux 7 sophismes des sophistes dans l’Euthydème, avec un exemple chez les Anciens :

1. Équivoque verbale (sur gignōskei)

  • Sophisme : Équivoque – même mot avec deux sens
  • Exemple antique : en Homère, le mot οὐδ’ ἔτλη κλάθεν (Iliade 24.711) joue sur klainō (« pleurer ») dans deux sens (affirmatif/négatif). Usage poétique d’un même verbe dans deux sens → équivoque stylistique .

2. Fausse généralisation (absence de contradiction = impossibilité de mensonge)

  • Sophisme : Fausse généralisation / non sequitur
  • Figure : Hyperbole généralisante
  • Exemple : dans Hésiode, οὐδὲν ἄριστον πᾶσιν ἀνθρώποισιν (Th. 90) généralise tous les humains → figure emphatique par généralisation excessive .

3. Équivoque sur noein (penser vs dire)

  • Sophisme : Équivoque
  • Figure : Paronomase ou jeu de mots
  • Exemple : en Homère, pun sur οὔτις / μῆτις (Od. 9.415) : “no-one” / “cunning” → paronomase (OpenEdition Books).

4. Fausse analogie (sens perçu ≠ sens signifié)

  • Sophisme : Fausse analogie / équivoque sur “sens”
  • Figure : Zeugma ou antanaclase (même mot, deux sens)
  • Exemple : dans Hésiode, λέγειν ψεύδεα… ἀληθέα γηρύσασθαι (Th. 27) oppose parler/fake vs chanter/veritable → antanaclase (Reddit).

5. Généralisation hâtive (“si tu sais un, tu sais tout”)

  • Sophisme : Généralisation hâtive
  • Figure : Synecdoque abusive
  • Exemple : Homère utilise synecdoques telles que « τοῖς ἄρ’ Ἀργείοις » pour désigner l’armée entière → métonymie excessive (Iliade, multiples occurrences) .

6. Sophisme de composition (“tu es père → père de tout”)

  • Sophisme : Composition erronée
  • Figure : Metonymie généralisante
  • Exemple : dans Hésiode, les Φόνοι, Μάχαι, Ἀνδροκτασίαι sont collectifs de la Discorde (Theogonie 228) → l’ensemble par une partie (Wikipédia).

7. Non sequitur / fausse équivalence (absence de contradiction = impossibilité de mensonge)

  • Sophisme : Non sequitur
  • Figure : Aporie rhétorique
  • Exemple : Eschyle, dans Agamemnon (v.385–386), le chœur s’interroge en aporie : Πειθώ… Καὶ Ἄτη → figure d’auto-questionnement qui ne mène à aucune conclusion claire (Reddit).

Ces exemples montrent que Platon détourne, exacerbe ou ironise des figures littéraires classiques pour illustrer l’absurdité dialectique de C. et D. — procédés qui font sourire tout en instruisant. Si tu veux que je développe l’un de ces exemples grecques plus en détail, je suis dispo !

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