Enfin une guerre juste! Ou comment finir la guerre en Iran

Cette nuit, 21 juin 2025, les Etats-Unis ont bombardé certains sites de production nucléaire en Iran. L’attaque est mesurée et ciblée, avec une petite cinquantaine de missiles seulement. Pour une fois, et ceux depuis très longtemps, il n’y a rien à redire à l’attaque américaine. Et c’est l’événement principal de cette entrée en guerre.

Cet article s’inscrit dans la suite de notre article sur le risque très réel de troisième guerre mondiale, publié il y a deux ans et demi déjà.

Circonstances troubles, circonstances claires

D’un côté, les Etats-Unis suivent l’attaque Israélienne. La position israélienne est inattaquable en droit. Depuis sa création, l’Iran prône la destruction d’Israël. On peut dire qu’Israël a fait preuve de toute la patience possible. Evidemment, les circonstances sont bien plus troubles. Le procès de la responsabilité d’Israël dans la montée en puissance du Hamas devra être fait un jour. B. Netanayhu attaque la démocratie de son pays comme elle ne l’a jamais été. Il fait la guerre aussi pour rester personnellement au pouvoir. L’attaque israélienne contre l’Iran avait donc trois motifs, les motifs légitimes de punir le vrai commanditaire de l’attaque du 7 octobre, et celui de la destruction ou du ralentissement du programme nucléaire iranien après l’échec des négociations de l’AIEA; et le motif moins brillant de correspondre à l’agenda de B. Netanyahu. Mais comment l’histoire s’écrit-elle? Pas autrement. Le mobile juste doit correspondre au mobile particulier pour que la décision soit prise.

Du côté américain cependant, ces considérations sont bien moins importantes. Ni le gendarme du monde, ni le droit international, ne peuvent accepter un pays ouvertement hostile à l’un de ses voisins et détenteur d’une arme fatale. C’est bien la coïncidence entre ces deux principes qui rend l’action parfaitement légitime. Les atermoiements de D. Trump, qui a déchiré l’accord d’Obama et mit le monde dans une situation impossible, ne suffisent pas à condamner la position américaine. Toutes les enquêtes et analyses montrent que l’Iran a développé toute l’infrastructure nécessaire pour développer une bombe atomique et a d’ores et déjà les principaux éléments permettant de fabriquer une bombe.

Le retour de la guerre juste

La guerre en Ukraine est injuste. La guerre en Irak était injuste. La guerre de Gaza, juste sur ses causes, est devenue injuste dans sa mise en œuvre. Les opérations de la Russie en Afrique sont toutes injustes. L’opération franco- anglo-saxonne en Libye est allée trop loin et est devenue injuste.

Toutes ces opérations ont démoli la légitimité du Conseil de Sécurité et largement décrédibilise le droit international. Or la réalité dans laquelle nous vivons est désormais et irrémédiablement celle d’un monde complètement interconnecté. Il a fallu 11h pour les bombardiers américains pour aller de leur territoire à l’Iran. La mondialisation économique, quelle que soit sa forme, ne fera pas machine arrière, tant il est désormais nécessaire d’avoir un marché mondial pour faire des profits.

La guerre en Iran va enfin nous faire oublier la désastreuse séquence de la fausse fiole de produit nucléaire présentée par Colin Powell au Conseil de Sécurité pour justifier la guerre en Irak. Pour l’Iran, la situation, grâce au remarquable travail de l’AIEA, est aussi transparente qu’elle peut l’être, et en tout cas suffisante pour présenter une photographie objective du nucléaire iranien. Il y aura sûrement des discussions sur l’état d’avancement réel du programme nucléaire, mais il n’y a pas de doute sur les intentions du régime.

L’attaque des Etats-Unis contre l’Iran signe le retour de la guerre juste et de vrais critères de prise de décision. On ne peut que s’en réjouir, même si l’on aurait préféré une méthode plus pacifique.

Le changement du régime est la seule voie possible pour finir la guerre

La question reste cependant posée de la neutralisation complète du programme nucléaire iranien. Au moins trois méthodes ou options sont envisageables.

La première consiste à s’arrêter là, et à continuer de bombarder depuis le ciel, sans entrer dans le territoire avec des troupes au sol. Toutes les capacités seront neutralisées pour les années à venir, démolies au fur et à mesure de leur reconstruction. Cette option pose évidemment des problèmes, et principalement celui de la destruction des sites construits en profondeur sous les montagnes. On n’aura jamais la certitude d’avoir complètement réduit le programme nucléaire.

La seconde option est d’envoyer des troupes au sol pour détruire les sites nucléaires sur place. Il ne s’agirait pas d’une opération terrestre complète, mais d’opérations terrestres ciblées. Le risque est évidemment bien plus important. Ces opérations pourraient se heurter à des troupes au sol conséquentes, à une méconnaissance des tunnels, à un risque d’escalade vers une guerre totale, et bien sûr, à des pertes humaines bien plus élevées. Il est fort probable que certaines opérations au sol soient déjà en cours, notamment sur la frontière irakienne et sur la zone du kurdistan, et sur l’ensemble du golfe persique.

https://www.institutkurde.org/info/carte-les-kurdes-un-peuple-a-cheval-sur-quatre-pays-1232550809

La troisième option est le changement de régime. C’est la seule solution pour mettre fin définitivement à la menace nucléaire. Nous voyons partout dans le monde que la constitution d’une industrie nucléaire va nécessairement de pair avec une concentration du pouvoir de l’État. États-Unis, France, Japon, Russie, Inde, Pakistan, Chine, Corée du Nord, tous les États détenant des capacités nucléaires, civils et ou militaires, ont tous un État fort. Il faut un État fort pour contrôler une telle puissance et tenir toute l’administration qui va avec. Seul le pouvoir central sait tout du nucléaire.

Il n’y a donc pas d’autre choix que de renverser l’État et de construire une nouvelle constitution en Iran. Ce changement de régime aura, du point de vue du droit international, deux principes : créer une constitution qui ne menace plus ses voisins et Israël, et un renoncement au nucléaire militaire avec un démantèlement total des infrastructures. Pour le reste, la position doit rester ouverte.

Il s’agit de ne pas commettre les mêmes erreurs qu’en Irak et en Libye, et cela ne sera pas facile. Il faut changer la tête sans changer le reste. Il faut accepter de reprendre l’État tel qu’il est, en mettant un administrateur étranger à sa tête, en attendant de construire le nouveau droit constitutionnel. Maintenir l’armée, maintenir la police et la justice, en se donnant le temps de changer les règles. L’Iran ne deviendra pas une démocratie demain et il ne faut pas le rechercher. Une dictature laïque serait très suffisante. Il sera très difficile d’empêcher la désagrégation de l’État, notamment sur le versant oriental et des frontières afghanes et pakistanaises. L’ONU pourrait jouer un rôle déterminant pour stabiliser ces frontières en favorisant un équilibre des puissances locales.

La prééminence du droit international

Israël a fait ce qu’il fallait faire. Rien n’a été fait pour lutter contre l’industrie nucléaire de l’Iran du Nord. Beaucoup plus aurait pu être fait pour chasser la Russie d’Ukraine et empêcher Wagner de nuire en Afrique. L’Occident a trop laissé le Mal se propager, sans réagir. Le conflit entre l’Occident, l’Otan et les CRIC, est inévitable. Il est bien plus intelligent de réaliser les conflits les uns après les autres que d’attendre d’aller vers une guerre mondiale totale.

Comme en économie, la planète politique est désormais plus petite qu’elle ne l’a jamais été. Et elle le sera de plus en plus. Le mal nommé en français « droit des gens », où les « gens » désignent en fait les peuples, comme la dénomination anglaise, law of the people, le montre plus clairement, people signifiant à la fois personne et peuple, va nécessairement prendre de plus en plus de place. Les nationalistes vivent au début du XIXème siècle.

Le droit international repose principalement sur le droit de la paix et le droit de la guerre. Sans paix, il n’y a pas de développement des nations, ce qui fait de la paix le principe ultime de tout le droit, avant même celui de la Justice. Le droit international doit donc défendre le pays et pour se faire, il doit forcer tous les États à accepter un état de paix avec leur voisin.

Dit autrement, il est impossible pour le droit international d’accepter le moindre État qui n’accepte pas la paix. La constitution iranienne est hors la loi depuis sa mise en place. Elle est incompatible avec la possibilité d’une paix internationale. On pourrait se poser la question de la légitimité du régime en Corée du Nord, mais aussi en Russie. Le cas de la Chine est bien différent, Taïwan, le dernier objectif géographique, n’étant pas légalement reconnu comme un État.

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