La Troisième Guerre Mondiale n’aura pas lieu

Le 22 novembre 1935, la célèbre pièce de Jean Giraudoux, La guerre de Trois n’aura pas lieu, était jouée pour la première fois. Le titre seul portait une double contradiction. Il allait à la fois contre la réalité historique et contre la réalité littéraire, la guerre de Trois ayant bien eu lieu et l’Illiade le recit partiel qu’en a fait Homère étant l’un des récits fondateurs de l’Occident. Doublement distopique, le titre n’en laissait pas moins la pièce se conclure par le déclenchement de la guerre éponyme. Rien n’arrête l’enchainement fatal.

Louis Jouvet dans la Guerre de Trois n’aura pas lieu en 1935

Le nouvel axe du mal

Nous sommes à bien des égards dans une situation simlaire. La ligue des agresseurs est largement et clairement constituée, avec l’axe Russie, Iran, Chine, Corée du Nord. Le pouvoir d’attraction de ces puissances du chaos est complètement renouvelé. Il ne repose plus sur la doctrine communiste, ni uniquement sur le djihad. Il repose uniquement sur la force brute qui s’oppose au droit. Il n’a plus d’idéal de liberté et fait feu de tout bois. Mensonge, corruption, manipulation de masse via les réseaus sociaux et le soutient aux parties politiques extrêmes, son modèle est au fonds celui du GRU, le second service secret russe (qui a servi de modèle au fameux Spectre, ennemi de James Bond), spécialisé dans la destabilisation, et complèment du FSB. Contrairement à l’ancien axe communiste, et même si ce sont en partie les mêmes pays qui sont concernés, ce nouvel axe ne nie plus la réalité de l’économie capitaliste, ce qui le rend de ce point de vue plus dangereux que la version précédente. Ils ont remplacé leur ancienne puissance culturelle communiste, tout en surfant sur ces anciens acquis (comme l’antinucléaire et la lacheté démocratique), par la manipulation informationnelle de masse qu’elle pratique déjà sur leur propre population.

Nous ne pouvons plus nous voiler la face. Ces pays nous ont déclaré une guerre mondiale. Les signes ne sont plus de simples avertissements mais la remise en place des mécaniques de la guerre froide, comme la théorie des dominos : guerre en Ukraine, développement sans fin des milices iranniennes Hamas, Hezbollah, en Irak, au Liban, en Palestine, équivalent de Wagner, chute des pays africains les uns après les autres dans la dictature, développement militaire chinois sans précédent, allégeance grotesque mais néanmoins réelle de l’Algérie à la Russie (le Président Tebboune ayant qualifié Poutine de grand humaniste). Les pays d’amérique latine et autres Brics, représentent un ventre mou qui penche dangereusement vers la Russie. Partout le modèle d’un pouvoir fort et stable rassure les dictateurs en tout genre. Le modèle démocratique occidental, même s’il attire toujours plus d’immigrants, et devenu un repoussoir international.

Isolement Occidental

Comment en est-on arrivé là? Par un mélange d’erreurs et de lâchetés. Au rang des erreurs, la politique international des Etats-Unis a fini par leur faire perdre leur hégémonie de gendarme du monde. Tout a basculé le 11 septembre 2001 avec les attentats contre le World Trade Center et le Pentagone. La chute des tours a montré au monde entier que le roi était nu. Les djiadistes utilisés par les Etats-Unis pour lutter contre les Russes en Afghanistant se retournaient contre leur ancien maître.

Malheureusement la réaction américaine fut consternante. L’enquête sur Ben Laden pointait rapidement le rôle trouble de l’Arabie Saoudite. Pétrole oblige, Saudi Aramco étant sans doute la plus grande entreprise au monde, l’allié saoudien ne fut jamais inquiétée. Les Etats-Unis se sont déchaînées sur l’Afghanistan. En pure perte. Le mensonge d’Etat de Colin Powell à l’ONU le 5 février 2003 sur le nucléaire irakien et la seconde guerre d’Irak qui a suivi, ont achevé de démolir la suberpe de la première armée du monde. Sur les ruines de l’Irak devait naître, non pas un nouvel Etat démocratique né du génie du State building, mais bien ISIS, l’Etat islamique. Aujourd’hui encore, l’Irak reste un Etat failli, en proie aux attentats et au chaos.

Collin Powel à l’ONU

En Lybie, la coalition occidentale a dépassé le mandat que lui avait confié l’ONU et est allé jusqu’à l’éxécution de Kadhafi en 2011 (les alliés ont bombardé les troupe de Kadhafi et laissés les opposants armés « finir » le travail), sur un fond toujours pas éclairci de financement présumé de la campagne présidentielle française de Nicolas Sarkozy. Pour la seconde fois en moins de 10 ans, le Conseil de Sécurité de l’ONU est discrédité aux yeux du monde. L’Occident n’est clairement plus à la hauteur de ses propres valeurs. Il est perçu comme utilisant les organismes internationaux pour son propre intérêt. La plupart des pays sont prêts à se tourner vers un nouveau modèle.

Au rang des lâchetés, le refus de Barack Obama de bombarder la Syrie en 2012 suite à l’utilisation d’armes chimiques par les autorités de Ryad, alors qu’il en avait lui-même fait une ligne rouge, acrédite encore un peu plus la thèse que la force et la volonté de l’Occident est en papier et qu’il suffit de leur tenir tête pour gagner. Du même ordre fut la position Occidentale de ne pas faire entrer l’Ukraine dans l’OTAN, tout en affirmant qu’un jour, elle en ferait partie. Reculade sur la Crimée, reculade sur le Donbass, jusqu’au déclenchement de la guerre en février 2021. L’Occident n’a plus de principe.

Sur le plan économique, les trahisons sont tout aussi coupables, mais leur dynamique et les réactions en cours sont tout de même plus compréhensibles. Sur la Chine, les positions américaines et européenes sont différentes. Les Etats-Unis pouvaient encore croire aux effets du « doux commerce » quand le marché chinois s’est ouvert sous Deng Xiaoping. Et de fait, la Chine est sorti du communisme. Mais elle n’est pas sortie de la dictature, et s’est transformée, à l’instart de Singapour, en une forme de dictature capitaliste qui n’a de plus jamais renoncé à l’impérialisme, comme l’a cruellement rappelé la mise au pas du Tibet. La lâcheté de l’Europe a cet égard est bien plus grande, et singuièrement en France, où la Chine a permis de maintenir le niveau de vie d’une population à l’économie en déclin. L’achat de biens chinois se fait toujours aujourd’hui au prix des transfers sociaux. L’Allemagne s’est elle soumise à la Russie en achetant son gaz à bas coût et au prix d’une incroyable corruption dont Geralt Shroder, l’ancien chancellier, est le symbole désastreux. Elle continue sa lutte contre le nucléaire français et contre l’industrie française en refusant toujours d’en acheter les armes.

Dans cette techtonique, l’Union Européenne et son crédo libéral ont tout de l’idiot utile de la mondialisation économique. En étant la seule au monde à adopter une politique économique purement libérale et tournée vers la consommation, elle s’est laissée dépouillée de marchés entiers: écrans plats, industrie solaires et aujourd’hui véhicule électrique, le tout en accomplissant l’exploit de rester un nain politique. Si elle semble encore atirer à l’Est, l’Europe a malheureusement régressé à l’Ouest, avec le repli identitaire de la Grande Bretagne et sa sortie mortifère de l’Europe, conséquence logique de 20 années de critique démagogique continue dans les médias envers la France et l’Europe.

La faillite interne de l’Occident

On pourrait être tenter de se consoler en arguant que malgré toutes ses difficultés, l’Occident a réussi à rester fidèle et unie derrière les principes politiques des Lumières qui ont fait sa force. Làs, là aussi le déclin est patent à presque tous les étage. Les Lumières et leur univesalisme sont devenus inaudibles, incompris et presque même inconnus dans une civilisation qui a démoli son école, fragmenté sa recherche en micro sujets, laissé tout le pire de la liberté d’expression prendre le pas dans les réseaux sociaux (faute d’être capable d’instaurer un minimum d’expression publique et de débat démocratique), tranformé les citoyens en consommateurs et se perdant dans les micros débats de sociétés sur le sexe des anges, instaurant une tyrannie de la minortié qui a fait du danger de la tyrannie de la majorité un lointain souvenir, presque un fantôme de la théorie politique.

Pour le dire directement, à l’heure où l’outrance est la seule manière de se faire repérer et de gagner sa vie sur les réseaux sociaux, l’intérêt général n’intéresse absolument plus personne. L’Occident donne de plus en plus l’impression d’être un bateau ivre. Rien n’a été fait après la crise des subprimes de 2007 pour pallier à l’accroissement phénoménal de la richesse des plus riches. Il semble totalement illusoire de parvir à limiter l’immigration, que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis. Les réseaux sociaux se laissent manipuler à tel point que les puissances comme la Russie influent non pas seulement sur les élections, mais même directement sur la santé mentale et le bon sens de la population dans son intégralité, tandis que l’Occident reste tétanisée à l’idée même de réguler la liberté d’expression. En France, un parti anarchiste comme LFI s’en prend ouvertement à la police, symbole de l’ordre républicain, alors que la justice s’attaque en tout impunité à son ministre de tutelle. Même le général de Gaule n’avait pas eu à faire à une telle chienlit, des Gilets Jaunes aux émeutes de juillet 2023.

Les seules réactions viennent des Etats-Unis, avec la mise en place d’embargo économique envers les menaces à la sécurité mondiale. On peut s’interroger sur la légitimité de l’extra-territorialité du droit américain, mais il permet de freiner le développement des ennemis de nos démocraties. Les Etats-Unis ne sont pas si aveuglées par la doctrine du doux commerce qu’ils en oublient l’impératif de puissance peut-être bien nécessaire à la survie des démocraties dans une mondisalisation où le moindre événement dans un pays se répercute désormais à la vitesse de la lumière sur tout le globe. De même l’élargissement de l’OTAN et les révolutions démocratiques en Géorgie et en Ukraine en 2004, constituent une réaction salutaire, mais qui en braquant la Russie, fut aussi lourde de conséquence. Une certaine réaction intellectuelle a aussi lieu aux Etats-Unis contre les dérives du gauchisme. Hélas, elle se caractérise bien pus par la victoire de Trump et le retour à un conservatisme assez aveugle – comme le montre le recul du droit à l’avortement – que par la retour de principes renouvellés. De l’intégration des transgenres au refus justement de l’avortement, on a du mal à voir comment le débat social américain pourrait être plus écartelé qu’il n’est déjà. Du côté allemand, même si une forte réaction anti russe s’est mise en place, on voit clairement que le principal pays de l’Europe n’arrive pas à se projeter dans une Europe puissance. La France et l’Angleterre semblent toutes deux sorties de l’histoire empêtrées dans leur refoulé colonial, alors même que la décolonisation est terminée depuis trois générations, et seule l’Italie sur les migrants et la Pologne sur la défense semblent capables de faire bouger les lignes dans le sens d’une plus grande coopération.

Nécessaire refondation de la philosophie politique

La Troisième Guerre Mondiale a commencé le 11 septembre 2001. Au niveau intellectuel et particulièrement philosophique, le débat patine complètement. Plus rien ne semble pouvoir unir universalisme, respect des religions, communautarisme, individualisme, et nationalisme, pour ne citer que les principaux « isme » composant la question. C’est exactement pourquoi il nous paraît plus urgent que jamais de requestionner les fondements intellectuels des Lumières au regard des critiques et attaques en tous genres dont l’Occident est actuellement la cible. Trois axes de réflexion principaux doivent guider la réflexion: la prétention à l’universalisme des Lumières est-il toujours pertinent? Que nous apprennent les soubressauts récents du monde sur le concept si étendue de Liberté qui est le fondement historique constant d’Aristote aux droits de l’homme, de la pensée politique Occidentale? Et enfin comemnt devons-nous repenser à la fois la Nation et les relations internationalels, alors que les Etats sont plus interconnectés et influent plus que jamais les uns sur les autres. Il est urgent de repenser nos fondements intellectuels avant que cet Occident ne soit mis au ban de la mondialisation par une désormais très probable Troisième Guerre Mondiale.

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